Mardi 19 mars 2024

Société

Traite des êtres humains en Inde : de plus en plus rocambolesque

15/08/2018 Commentaires fermés sur Traite des êtres humains en Inde : de plus en plus rocambolesque
Traite des êtres humains en Inde : de plus en plus rocambolesque
Les deux jeunes hommes ne savent plus à quel saint se vouer.

Après la mise en liberté de l’Indien dénommé Joshua et du retrait du mandat d’amener de Jean Berchmans Makoro, tous impliqués dans une affaire de traite de deux jeunes hommes en Inde, ces derniers se plaignent. Ils fustigent une décision inéquitable.

«Le procureur m’a chassé de son bureau. Il est resté avec Fabrice, Joshua et son épouse ainsi que l’avocat de ces derniers. Je ne comprenais pas pourquoi, alors que le dossier est le même», témoigne Jean-Baptiste Niyungeko, un des deux jeunes qui avaient porté plainte pour traite des êtres humains. Il déplore le fait qu’il a été écarté de la séance du jeudi 2 août 2018. Le jeune homme s’est empressé de téléphoner à leur avocat Maître Edgard Muhirwa, qui n’avait pas été signifié de cette rencontre. Ce dernier arrivé trop tard. La décision de libérer le présumé auteur, Joshua, avait été déjà prise.

«Quand le procureur a chassé Jean-Baptiste, je me suis senti piégé», indique Fabrice Ndikumana, l’autre plaignant. Pour les plaignants, le procureur général près la Cour d’Appel de Bujumbura, Aristide Nsengiyumva, a privé Fabrice Ndikumana de son droit d’être assisté. De même qu’il a privé Jean-Baptiste Niyungeko, poursuivent-ils, de son droit de connaitre l’état d’avancement de sa plainte ainsi que le droit d’être dédommagé comme son collègue.

«Une décision incompréhensible!»

Au cours de cette séance, Fabrice Ndikumana a reçu une somme de 515$ de la part de Joshua. «Ils m’ont dit que c’est le reste de mon salaire. J’ai pris cet argent, mais cela n’enlève en rien le crime commis. C’était une manœuvre pour me faire taire.» Pour les deux plaignants, c’est un aveu de culpabilité. «Pourquoi il paie le salaire, alors qu’il n’est pas notre patron. Nous devions être payés en Inde ».

Après cette séance, le procureur général près la Cour d’Appel de Bujumbura a pris la décision de libérer Joshua, qui avait été écroué à la prison centrale de Mpimba, le 23 juillet 2018. Le 8 août dernier, le procureur a ordonné le retrait du mandat d’amener qui avait été lancé contre Jean Berchmans Makoro. «Le procureur ne pouvait solder une affaire criminelle aussi grave que la traite des humains par un simple dédommagement en privant l’accès à la justice à l’une des victimes ». Les deux plaignants ne comprennent pas comment Joshua a été relâché, alors que son présumé complice était toujours en cavale. «Comme c’est un étranger, il peut s’enfuir ».

Les présumés coupables se disent innocents

Pour rappel, Fabrice Ndikumana et Jean-Baptiste Niyungeko avaient été « recrutés » par une société indienne, Pristine Medical Equipments Ltd, qui fabrique des seringues. Mais ils travaillaient pour sa filiale Meditech Medical Disposables. Ils avaient été approchés par Joshua et Jean Berchmans Makoro, oncle de Fabrice Ndikumana, moyennant une somme d’argent. Ils leur disaient qu’ils y vont pour travailler la journée et étudier le soir. D’après eux, on leur avait promis un salaire de 300$ par mois. Arrivés en Inde, les choses ont changé. Ils ont trouvé que leur travail consistait à charger et à décharger des colis de 100kg. Selon eux, ils dormaient sur des cartons à même le sol et mangeaient une seule fois par jour avec un horaire de travail d’au moins 20h. Ils n’avaient pas le droit de sortir des enceintes de l’usine d’autant plus que leurs passeports avaient été confisqués par le patron de la société. Jean-Baptiste a pu regagner le Burundi après deux semaines. Fabrice y a travaillé une année dans ces conditions sans percevoir son salaire. Il n’a pas pu réunir l’argent pour le billet du retour. A Bujumbura, ils ont porté plainte contre Joshua et Jean Berchmans Makoro.

«Nous sommes innocents. Ces jeunes cherchent un moyen de gagner de l’argent, car ils ont vu une personne de peau blanche», clament Joshua et Jean Berchmans Makoro. Ce dernier était introuvable, depuis l’arrestation de son présumé complice. «Je me suis terré quelque part, car je ne voulais pas subir le même sort que mon ami ».

Les deux hommes affirment que les deux jeunes hommes n’ont subi aucun tort en Inde. Pour eux, ce sont des caprices de jeunes. «Un jour, Fabrice s’est plaint à moi qu’on l’a envoyé faire paître des vaches. Je trouve cela normal», juge l’oncle en riant. Toutefois, ils reconnaissent que Fabrice Ndikumana n’a jamais été payé durant l’année qu’il a passée en Inde. D’après eux, les deux jeunes hommes devaient toucher 150$ par mois et non 300$.

«Lors d’un conseil de famille, nous avons fait le calcul de son salaire pendant une année. Nous nous sommes mis d’accord sur une somme de 1800$ moins 300$ qui correspondent à la ration d’une année qu’il a consommée. Joshua a accepté de payer», indique Jean Berchmans Makoro. Et d’ajouter que Joshua a donné dans un premier temps 500$ au père de Fabrice Ndikumana, Léonidas Ndikumana. Ce que confirme ce dernier : «Après cette réunion de famille d’il y a deux mois, j’ai reçu cet argent. Joshua me disait que c’est une moitié du salaire de Fabrice.» Le père n’y voit aucun problème dans la mesure où son enfant est revenu.

Il reconnaît, par ailleurs, que son enfant a eu de gros soucis quand ils ont voulu quitter l’Inde, après deux semaines de leur arrivée. «Je venais de dépenser des millions pour l’envoyer là-bas. J’étais incapable d’en réunir d’autres pour le faire revenir ».

Après un dédommagement de 515$, Joshua a été relâché.

Quant à la question du dédommagement de Jean-Baptiste Niyungeko, Joshua assure qu’il ne lui doit rien. Selon lui, les 3.500.000 Fbu que Jean Baptiste lui a donnés ont couvert l’achat du billet et le visa. Jean Berchmans Makoro a une explication : «Jean-Baptiste est frustré. Pour un jeune qui n’a pas l’habitude de manier de grosses sommes, perdre des millions comme ça, c’est difficile à digérer.»

Ces deux jeunes indiquent qu’ils craignent pour leur vie. Ils demandent une justice impartiale et que le dossier soit retiré des mains du procureur général près la Cour d’Appel de Bujumbura.
Aristide Nsengiyumva n’a pas voulu faire des commentaires : «Il faut attendre car je n’ai pas le droit de communiquer sur un dossier en instruction.»

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