Vendredi 19 avril 2024

Politique

Code du travail : une innovation saluée mais…

01/10/2020 Commentaires fermés sur Code du travail : une innovation saluée mais…
Code du travail : une innovation saluée mais…
Domine Banyankimbona : « Les travailleurs et les employeurs de maison et du secteur informel ne sont pas pris en charge par le code en vigueur.»

L’Assemblée nationale a analysé et adopté, jeudi 17 septembre, le projet de loi portant révision du Code du travail. Parmi les innovations phares figure la prise en charge des employés de maison. Satisfecit pour les bénéficiaires, mais des doutes du côté des employeurs quant à sa mise application.

« Les travailleurs et les employeurs de maison et du secteur informel ne sont pas pris en charge par le code en vigueur. Le choix actuel étant de les faire entrer dans le code du travail. Il faut mettre en place des lois spécifiques », a indiqué Domine Banyankimbona, ministre de la Fonction publique et du travail dans son exposé des motifs lors des questions orales à l’hémicycle de Kigobe. Elle fait savoir que le code vient mettre en place des mesures de protection des employés de maison. Ces derniers doivent désormais bénéficier d’un contrat de travail écrit.

Ainsi, l’alinéa 2 de l’article 2 stipule : « Les relations entre les travailleurs et les employeurs de maison et du secteur informel sont également régies par le présent code dans la limite des lois particulières qui leur sont applicables.»

Les associations des travailleurs domestiques ne cachent pas leur satisfaction : « Nous avons accueilli cette loi avec joie. C’est un combat de longue haleine qui vient d’aboutir », se félicite Richard Manirambona, président du Collectif des associations des travailleurs domestiques et celles des employeurs du Burundi. Pour lui, c’était une lacune au niveau de la législation du travail vu que le métier fait vivre beaucoup de gens. Il demande qu’il y ait des textes d’application dans les plus brefs délais.

Même joie du côté de Frédéric Nshimirimana, président de l’association Kenyera Twitezimbere : « C’est un signe éloquent que le gouvernement burundais prend un engagement de considérer les employés de maison comme des travailleurs à part entière.» Et d’espérer que la loi protégera les droits des travailleurs domestiques.

« Il arrive que l’employeur maltraite son domestique et peut même le répudier sans le payer. La plupart des travailleurs domestiques subissent de mauvais traitements. Ils exécutent parfois des travaux non convenus avec leurs patrons ».

Cet activiste des droits des travailleurs domestiques assure que la loi sera très bénéfique pour eux. Il évoque la Convention internationale du travail qui précise que tout travailleur doit prester 8 h par jour et avoir un jour de repos par semaine. Il plaide pour l’application systématique de ladite convention à l’endroit des travailleurs domestiques.

« Il y a des travailleurs domestiques qui travaillent entre 15-18 h par jour, sans repos ni congé. Nous allons faire en sorte que le travailleur domestique soit traité au même titre qu’un autre travailleur ».

M. Nshimirimana interpelle les travailleurs domestiques de ne plus accepter des contrats tacites. Et de marteler : « Nous leur demandons de passer par les associations pour qu’ils apprennent comment négocier leurs contrats.» Enfin, Frédéric Nshimirimana demande aussi la mise application dudit code : « Comme le gouvernement nous a consultés avant la mise en place de ce code, nous demandons que nous soyons associés dans l’élaboration des mesures d’accompagnement.»

Domitien Nahimana est un travailleur domestique, depuis 5 ans. Il salue cette nouvelle législation. Il espère que cette loi va diminuer les conflits entre les employeurs et les travailleurs. «En cas de désaccord avec mon employeur, j’aurai une base légale pour réclamer mes droits ».

Une mise en application hypothétique

Gaspard Nzisabira : « Les employeurs doivent comprendre que c’est une nécessité d’améliorer leurs conditions de travail.»

Gaspard Nzisabira, secrétaire général de l’Association des employeurs du Burundi (AEB), salue la mise en place de ce code. Il s’applique au secteur informel et aux travailleurs domestiques. Néanmoins, il émet des doutes quant à sa mise application.

Selon lui, c’est un secteur qui connaît beaucoup de problèmes qui tiennent au manque de formation ou parfois à l’absence de formation du personnel domestique. Il insiste sur la formation technique de ce personnel.

« Le code du travail est une législation spécialisée. Or, ni les employeurs dans ce secteur, ni les travailleurs domestiques, personne n’est formé sur la législation du travail ».

Et de s’interroger comment les employeurs et les travailleurs domestiques pourront être bien formés sur la législation du travail. « Je ne vois que des problèmes d’application. Cela prendra à coup sûr trois ans pour que les gens puissent bien comprendre et appliquer cette législation ».

De son côté, N.B., un des employeurs, estime que le code régissant le secteur formel et informel est une avancée dans la législation du travail. Néanmoins, l’application de ce code va se heurter à des embûches quant aux relations entre un employeur et un travailleur domestique. Il redoute une violation constante du contrat : « Il nous faudra des travailleurs qui maîtrisent le travail et qui connaissent la loi. Au cas contraire, il y aura des procès interminables.

Il y a des risques

Interrogé sur les avantages et/ou les inconvénients de ce code sur la vie des travailleurs domestiques, le secrétaire général de l’AEB y voit plutôt des risques : « Les salaires risquent de baisser parce que les employeurs de ce secteur vont être très exigeants.»

Il pense que les employeurs ne seront plus tolérants : « Dans certains cas, quand les travailleurs domestiques abîment les habits en faisant la lessive ou le nettoyage, les employeurs ferment souvent les yeux. Avec les contrats et tout ce qui va de pair avec ces derniers, les employeurs vont être exigeants au niveau du salaire et au niveau de la qualité du travail.»

Par ailleurs, M. Nzisabira estime qu’il est difficile d’instaurer un système de soins de santé dans ce secteur. Mais il propose de promouvoir les mutuelles de santé communautaire. Pour lui, l’application intégrale de toute la législation sociale prendra du temps.

Il recommande aux employeurs de faire des efforts de formation et de compréhension : « Les employeurs doivent comprendre que c’est une nécessité d’améliorer leurs conditions de travail. Tous les partenaires devraient se concerter pour voir ce que chacun doit faire.»

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