Samedi 20 avril 2024

Politique

Relation belgo-burundaise, de mal en pis

22/10/2018 Commentaires fermés sur Relation belgo-burundaise, de mal en pis
Relation belgo-burundaise, de mal en pis
La responsabilité Belge dans l'assassinat de Rwagasore n'est pas toujours établie

Dans un communiqué sorti à la veille de la 56ème commémoration de l’assassinat du héros national, Bujumbura accuse ouvertement la Belgique d’être le commanditaire. Une sortie qui risque d’exacerber les tensions existantes.

Le gouvernement du Burundi épingle ouvertement la Belgique d’avoir une grande responsabilité dans l’assassinat du prince Louis Rwagasore et de sa famille. En outre, il déplore que jusqu’à maintenant, l’ancienne puissance coloniale n’a pas encore rendu ses comptes .Bujumbura va même à affirmer que la Belgique est derrière les différentes crises politico ethniques qui ont endeuillé le Burundi. Et cela, suite à l’ancienne politique coloniale de diviser pour régner.

Bien que sa responsabilité n’ait pas encore été clairement prouvée dans l’assassinat de Rwagasore, la thèse d’un complot ourdi par la Belgique reste vivace dans l’opinion. Guy Poppe, auteur de Rwagasore le Lumumba Burundais, explique comment la Belgique a tenté de manipuler le procès. En effet, le ministère des Affaires étrangères a envisagé des démarches pour couvrir ceux qui étaient responsables au Burundi au moment de l’attentat.

De son côté, le prince Charles Baranyanka, frère de Ntidendereza et Birori (condamnés à mort pour l’assassinat de Rwagasore) dans son livre le Burundi, face à la croix et la bannière, impute de façon « déguisée » mais « incontestable », la responsabilité de l’attentat à l’autorité de tutelle. Il ne pointe pas du doigt la Belgique en tant que telle. Pour lui, elle avait d’autres chats à fouetter.

Quant à Kageorgis, bourreau du prince, dans la lettre envoyée à ses parents, affirme qu’il n’a pas agi en solo. « Je proclame solennellement que je ne suis pas le seul coupable. Ce crime fut perpétré par la tutelle », écrit-il. Dans cette même correspondance, il souligne que son exécution va peser sur la conscience de la Belgique. Cet «assassin» accuse l’ancienne puissance coloniale de vouloir «étouffer» sa culpabilité.

Pourquoi, maintenant ?

Ludo de Witte, journaliste belge, affirme que le gouvernement burundais aurait «couvert» les Belges. S’appuyant sur les archives britanniques, il indique que la Belgique ne voulait pas que le procès soit refait afin que son rôle ne soit rendu public. Elle a même menacé de couper l’aide si Bujumbura contrevenait à ça. L’historien belge indique que selon l’ambassadeur britannique de l’époque un « deal »aurait été fait. L’opinion burundaise ne pouvait pas supporter un verdict belge vu que certains responsables de la puissance coloniale étaient mouillés.

Le premier ministre André Muhirwa, ne pouvant se passer de l’aide de l’ancienne puissance coloniale, a choisi la voie du compromis : Le gouvernement fera exécuter les assassins de Rwagasore sans être sanctionné par Bruxelles et en échange, au cours de l’enquête, il n’y aura aucune investigation à propos des Belges.

Une certaine ’opinion s’interroge sur le motif derrière les déclarations de Bujumbura. Est-ce lié aux relations de plus en plus froides entre les deux pays ? Une piste plus plausible au regard de la situation mais qui n’explique pas tout. Selon un observateur avisé, que le Burundi relance les débats est plus que normal. Il estime que l’implication belge dans l’assassinat de Rwagasore n’est pas anodine.

Il rappelle que la Belgique a reconnu son rôle dans l’assassinat de Lumumba. Idem pour la France, dans les crimes commis pendant la guerre d’Algérie. Rien n’exclut qu’elle puisse faire de même pour le Burundi. «Il devrait aussi reconnaître sa responsabilité d’autant plus que les dirigeants belges d’aujourd’hui n’ont pas connu la colonisation et qu’ils n’ont pas de responsabilité personnelle dans ce qui s’est passé dans les années 1960 », conclut-il.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Réactions

Olivier Nkurunziza : « Exiger la justice n’à rien à voir avec les relations entre les deux nations » Pour le Secrétaire général du parti Uprona, Rwagasore n’est pas mort d’une mort naturelle. Il a été assassiné. Sur ce, il déplore que seuls les exécutants aient été condamnés sans que les commanditaires s’inquiètent. « Nous voulons que la Belgique demande pardon pour son rôle dans l’assassinat du héros de l’indépendance. Et qu’ils paient des réparations pour le tort causé au peuple burundais ». A la question de savoir si ces accusations ne vont pas entamer les relations déjà tendues entre les deux pays, il relativise : « Exiger la justice n’a rien à avoir avec les relations entre les deux nations. Nous voulons que justice soit faite et que la vérité éclate au grand jour.» Tatien Sibomana : «Il faut d’abord apaiser les tensions existantes entre les deux pays» Pour cet acteur politique, questionner l’implication de la Belgique dans l’assassinat du prince Rwagasore n’est pas une mauvaise chose. Il estime que les Burundais ont besoin de savoir qui a conçu et planifié ce crime. « Il faut que cette demande soit motivée par des raisons politico-historiques plutôt que pour entretenir un climat de méfiance et de tension entre nos deux pays ». Et de souligner que ces questions sont traitées diplomatiquement. Il conseille aux autorités burundaises d’apaiser les relations avec la Belgique pour que cette question soit étudiée en collaboration par les deux pays. Phénias Nigaba : « Il faut d’abord une commission pour tirer des conclusions» Pour le porte-parole du parti Frodebu, il faut que la lumière soit faite sur cette affaire. Il demande ainsi qu’une commission soit mise sur pied pour établir les responsabilités des uns et des autres. «Avec des accusations balancées sans preuves, il y a risque de les qualifier de gratuites ». Pour l’instant, M. Nigaba s’interroge sur l’importance de la commission qui sera mise sur pied alors que le gouvernement a déjà affirmé que la Belgique est coupable. Il trouve qu’il faut d’abord le travail d’une commission avant d’aboutir à des conclusions. Kefa Nibizi : « Les assassins étaient soutenus par la Belgique » Selon le président du parti Sahwanya Frodebu Iragi rya Ndadaye, les accusations du gouvernement burundais sont fondées. « Les gens qui ont trempé dans l’assassinat de Rwagasore sont connus et étaient soutenus par la Belgique ». Il fait allusion à l’appartenance de la majorité des assassins au Parti démocrate-chrétien. Ce dernier soutenu par la puissance coloniale s’opposait à l’indépendance immédiate. Pour l’heure, il appelle les deux gouvernements à un dialogue pour établir les responsabilités. Il estime que près de six décennies après la tragédie, il n’y a plus grand-chose à dissimuler.

Editorial de la semaine

Une responsabilité de trop

« Les décisions prises par la CVR ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels. » C’est la disposition de l’article 11 du projet de loi portant réorganisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation analysée par l’Assemblée nationale et le Sénat (…)

Online Users

Total 2 676 users online