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Quel leader pour l’opposition ?

18/06/2011 Commentaires fermés sur Quel leader pour l’opposition ?

Qui incarne vraiment l’opposition burundaise ? C’est la question que tout le monde se pose. Face à la machine CNDD-FDD, il est évident que si l’opposition veut se faire entendre elle devra jouer solidaire, avec un chef de file reconnu et respecté. Mais, d’abord, qui sont-ils, ces hommes de l’opposition ? Iwacu propose un éclairage des forces et faiblesses de ces leaders.

Agathon Rwasa le mystique

Force :Il occupe la deuxième place, d’après les résultats des Communales de 2010. Homme de principes, il est fidèle à son idéologie, charismatique. Au parti CNDD-FDD, on n’oublie pas que 3500 combattants des FNL ont été intégrés dans les corps de défense et de sécurité et plus de cinq mille démobilisés. D’après plusieurs sources, ces hommes restent proches de leur leader au maquis. Par ailleurs, les dernières élections ont démontré qu’il a des sympathisants dans le pays. Il connaît les pays de la sous région (Tanzanie, Ouganda, Kenya, Afrique du Sud).

Faiblesse : Il est en exil. Des sources proches d’Agathon Rwasa reconnaissent son entêtement. Il est déconnecté de la réalité du pays (pour avoir trop vécu dans le maquis) et ne s’adapte pas facilement aux circonstances du moment. Intransigeant, M. Rwasa n’aime pas les critiques. Suite aux scissions qui ont marqué son parti, il n’a plus les anciens membres de son parti. Impitoyable envers les traîtres, il est fragilisé par l’existence d’un FNL Nyakuri. L’homme n’a jamais su profiter des occasions politiques. Sa croyance dans une mission divine l’empêche de faire du « real politik ». Ainsi, à force de tergiverser, alors qu’il était au sommet de sa popularité, il est rentré tardivement, carrément expulsé par les Tanzaniens. Mauvais stratège, il a accepté un poste de directeur général de l’INSS, ce qui l’a complètement démystifié et banalisé.

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Nyangoma Léonard, lutteur né

Force : Lutteur né, syndicaliste, il est le fondateur du Conseil National pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) et de sa branche armée les Forces pour la Défense et la Démocratie. Grand organisateur, homme de culture, travailleur, durant les dernières élections, le programme de son parti politique était le mieux élaboré. Nyangoma est un homme avec des principes. Il sait écouter. Il est sans haine ni rancune malgré les nombreuses épreuves qu’il a vécues. Même ses pires adversaires reconnaissent une autre grande qualité à cet homme : il n’aime pas l’argent.
Faiblesses : il n’est pas au pays. Il n’a pas une assise nationale. Une opinion le qualifie de régionaliste, populaire dans sa province natale, Bururi.

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Léonce Ngendakumana, « Bakame »

Force : il a une longue expérience de la politique burundaise (pour avoir présidé l’Assemblée nationale pendant sept ans). Il est à la tête du parti de Melchior Ndadaye, parti qui se réclame père de la démocratie. Il n’a pas peur du débat contradictoire. De son Imbo natale- commune Isare-, il dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. Une opinion estime qu’il est parmi les hommes politiques qui avancent le débat politique. Il a la notoriété politico-diplomatique. Il a su garder, organiser et coordonner l’ADC au moment où certains leaders des partis membres ont pris la fuite. Selon plusieurs sources , il a refusé des offres du parti au pouvoir.
Faiblesse : Le retrait de son parti de la compétition électorale n’a pas plu aux militants qui l’accusent de ne les avoir pas consultés. Certains, par dépit ou opportunisme, ont rejoint le parti présidentiel. Il n’a pas su gérer les luttes intestines entre des personnalités du parti, notamment Frédéric Bamvuginyumvira et Domitien Ndayizeye. Son problème, c’est de ne pas trancher, de vouloir de contenter tout le monde. D’ailleurs, on le surnomme « Bakame » (un lièvre rusé des contes burundais). Il ne fonce pas. Son parti se réduit comme une peau de chagrin au profit du parti au pouvoir.

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Alexis Sinduhije, « Obama » scandaient les jeunes

Force : Jeune citadin issu de la cité (Kamenge), vif, toujours à courir derrière plusieurs programmes, Alexis Sinduhije est politiquement vierge et maîtrise parfaitement les aspirations de la jeunesse qui veut le changement, et dont il parle aisément le langage. Très populaire auprès de la jeunesse, cultivé et bon orateur, c’est un communicateur né qui pointe courageusement les problèmes du doigt. Son carnet d’adresses très fourni et son parcours journalistique lui attirent également des sympathies, mêmes à l’étranger, surtout qu’il est l’initiateur de la RPA, considérée comme la voix des opprimés. Avec cette radio, il a révolutionné le paysage médiatique burundais et offert ses lettres de noblesse au journalisme burundais. Alexis Sinduhije est aussi connu pour ses distances avec l’argent. « On ne lui connaît aucun bien matériel important » disent de lui ses amis. Homme de bon cœur, Alexis Sinduhije accueillait et hébergeait chez lui même des inconnus dans le besoin. « Il suffisait de toquer chez Alexis, il ouvrait et t’invitait à entrer et manger », se souvient N.D

Faiblesse : aujourd’hui sa principale faiblesse c’est d’être loin du terrain. Ses militants se sentent abandonnés, surtout que plusieurs d’entre eux ont payé cher leur engagement. Par ailleurs, ceux qui l’ont côtoyé regrettent une certaine désorganisation du jeune leader : rendez-vous importants oubliés, ponctualité défaillante, et puis, Sinduhije n’a pas su s’entourer d’une équipe efficace, parfois en tablant sur les liens amicaux et non les aptitudes politiques ou intellectuelles. Son retrait de la course électorale l’a également discrédité aux yeux d’une partie de son électorat. Parfois trop passionné, les dérapages de son langage, souvent peu diplomatique, voire cru, ont déçu plus d’un. Enfin, face au rouleau compresseur CNDD-FDD, l’accès aux voix des Hutu n’était pas aisé. Il a dû chasser sur les mêmes terres que l’Uprona, mieux implantée.

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Bonaventure Niyoyankana, la nouvelle relève ?

Force : il a été un député très proche de ses électeurs qu’il défendait énergiquement, surtout les déplacés Tutsi. Jeune par rapport à ses prédécesseurs à la tête de l’Uprona, il a les mains propres dans les différentes tragédies qui ont marqué le Burundi indépendant, dirigé par l’Uprona. Cette virginité lui avait attiré la sympathie des jeunes militants. Courageux, il n’a pas une langue de bois et ne tourne pas autour du pot pour dire ce qu’il pense.
Faiblesse : Bonaventure Niyoyankana est malheureusement perçu comme têtu, sans une grande capacité d’écoute. Ce qui le pousse à rejeter le consensus ou le compromis. D’aucuns relèvent également son inexpérience politique, et sa méconnaissance de l’histoire de l’Uprona, ce qui ne semble pas d’ailleurs le gêner outre mesure. Aujourd’hui, les dissensions au sein du parti le discréditent auprès d’une certaine opinion, qui l’accuse d’avoir oublié les Tutsi que le parti est censé défendre, pour des visées individuelles

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Dr Jean Minani, stratège ou opportuniste ?

Force: cet ancien président du Frodebu et de l’Assemblée nationale est très attaché à sa province natale de Kirundo qui le lui rend bien. Ainsi, il est parvenu à y glaner des voix malgré le raz-de-marée du Cndd-Fdd lors des élections de 2005 et de 2010.

Grand calculateur, ce gynéco-obstétricien formé en Algérie a toujours su profiter des bouderies du Frodebu de Léonce Ngendakumana. Avec le style « buzire ndabwirire » (« si tu boudes cette pâte, moi j’en mange ! »), il s’est d’abord rapproché du Cndd-Fdd après la défaite du Frodebu en 2005. Puis, en rupture de ban avec la direction de son parti, il a voulu se poser en héritier véritable de Melchior Ndadaye en créant son Frodebu Nyakuri (ou « véritable »)… avec la bénédiction du pouvoir.
Faiblesse : Mais dans la force apparente du député président du Frodebu Nyakuri se trouvent aussi sa faiblesses. Car aux yeux de certains Burundais, Dr Jean Minani fait figure d’opportuniste. Et au niveau de l’opposition, la base politique de cet ancien président du Frodebu et de l’Assemblée nationale ne semble pas très élargie… même au sein de la communauté hutu. Ainsi, dans les provinces traditionnellement considérées comme favorables à l’opposition, telles que Bujumbura rural, c’est à la faveur du retrait du Frodebu de Léonce Ngendakumana et des FNL qu’il est parvenu à faire élire ces gens et avoir ainsi des sièges à l’Assemblée Nationale.

De l’avis des observateurs, Jean Minani ne peut pas prendre le risque d’un ancrage solide dans l’opposition sous peine de ruiner son hôtel Top Hill Residence situé au quartier huppé de Kiriri. Car il a besoin que les hôtes du régime y soient hébergés, comme ce fut le cas lors de la visite du Président tanzanien Kikwete en 2006 ou encore celle du président soudanais El Béchir en novembre 2007. Des marchés intéressant, paraît-il. Et ceci expliquerait cela…

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Chauvineau Mugwengezo, le nouveau tribun

Force: doué d’une expression facile et d’une grande éloquence, ce natif de la commune de Buyengero est aussi réputé pour sa pugnacité politique. Et de ce fait, il jouit du soutien de la base du parti UPD et de l’ADC-Ikibiri. Sans oublier le soutien des fidèles d’El Hadj Hussein Radjabu, le parrain politique du parti UPD, aujourd’hui détenu à la prison centrale de Mpimba.
Faiblesse : être tutsi et originaire de la province de Bururi, qui a vu naître les trois premiers chefs d’Etat, pourrait être un handicap dans ce Burundi qui, malgré le pas déjà franchi en matière de réconciliation nationale, peine encore à juger les individualités à leurs propres valeurs. Il en est de même pour sa confession musulmane qui pourrait être une corde sensible susceptible d’être caressée par des politiciens en mal d’arguments.

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El Hadj Hussein Radjabu l’absent mais toujours présent

Force :L’ancien homme fort du parti Cndd-Fdd est réputé être un grand stratège. Même du fond de sa cellule de la prison centrale de Mpimba, il reste proche de ses fidèles et est considéré comme le parrain du parti UPD où ont émigré ses partisans déçus par le parti Cndd-Fdd.
On le dit également financièrement à l’aise, si bien qu’il ne lui serait pas difficile, après sa libération, de faire fonctionner sa machine politique. Par les contacts faits depuis l’époque du maquis, il aurait pu acquérir beaucoup de richesses. Mais ses tombeurs du Cndd-Fdd ne seraient pas encore parvenus à les localiser ; car prudent comme un serpent, il soupçonnait toujours une trahison.
Faiblesses : son statut de détenu l’empêche quand même de mener certaines actions. De même, son appartenance religieuse a souvent été et pourrait encore être exploitée par des adversaires politiques pour le discréditer auprès des non-musulmans.

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