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Politique

Nyanza-lac : une gestion mise en cause

03/07/2018 Commentaires fermés sur Nyanza-lac : une gestion mise en cause
Nyanza-lac : une gestion mise en cause
Bureau communal de Nyanza-Lac en proie aux accusations de malversations.

Certains membres du conseil communal de Nyanza-lac accusent l’administrateur d’avoir dilapidé les fonds de la commune. D’autres parlent de vols déguisés. Des rumeurs de rue, rétorque l’administrateur. Le gouverneur promet une enquête.

Commune Nyanza-lac en cette matinée de ce lundi 25 juin. Les rues grouillent de monde comme à l’accoutumée. Boutiques et autres activités sont en marche. Pourtant certains axes routiers sont bloqués. Et pour cause, le chef d’Etat-major Général de l’Armée est attendu sur place pour l’ouverture solennelle du Messe des officiers.

Malgré cette aire d’accalmie, les accusations portées contre l’administrateur communal défraient la chronique. B.M., un des conseillers communaux, n’y va par quatre chemins : « Jean Claude Nduwimana a dépensé 110 millions BIF en cinq mois. C’est énorme pour une commune alors que l’investissement n’a pas suivi le même rythme. »

D’après ce conseiller, l’affaire remonte au mois de novembre 2017 avec la décision du ministère de l’Intérieur qui attribue aux communes la gestion des marchés. « Le conseil a alors décidé que les quatre marchés que compte Nyanza-lac vont être gérés par la commune. »

Au mois de mars, le conseil communal évalue, lors d’une réunion, la valeur ajoutée de la décision ministérielle. Il se rend compte que les recettes ont presque triplé : « La commune a encaissé 157 millions BIF au cours du premier trimestre de l’exercice 2018. »

Ce qui est grave, pour ce conseiller, c’est que sur 157 millions BIF de recettes, l’administrateur a dépensé 110 millions BIF alors qu’il n’a investi que 47 millions BIF dans différentes activités de développement. « Toutes les pièces justificatives sont là. Mais au niveau des travaux de développement, l’on ne voit qu’une clôture du terrain de football et 6 millions qui auraient été utilisés dans la construction de l’Ecofo Namba de la zone Mukungu. »

Des détournements déguisés ?

Ce conseiller se demande, de surcroît si cette clôture du terrain a coûté plus de 40 millions BIF. Pour lui, la seule présence des pièces justificatives de ces dépenses ne suffit pas : « Il faut que les instances habiletés se saisissent de cette affaire pour plus de lumière. Sinon cette affaire sent l’arnaque. »

C.N., un autre membre du conseil communal, abonde dans le même sens. D’après lui, pour une commune qui ne dépense mensuellement, que 8 millions BIF pour les salaires de tout le personnel, 6 millions BIF pour toutes ses contributions, il est difficile d’expliquer comment a été utilisé le reste des recettes. « Le fonctionnement de la commune coûte 14 millions mensuellement, et donc 45 millions BIF sur la période de janvier à mars. L’investissement a couté 47 millions BIF sur la même période, cela totalise 117 millions de BIF. Où sont les 40 millions qui restent ? »

Pire encore, soutient notre source, les membres de la commission économique du conseil communal ont constaté que la commune a dépensé 12 millions BIF en 5 mois pour l’achat du carburant pour le véhicule de Jean Claude Nduwimana, administrateur communal : « Cela revient à 2 millions BIF par mois, soit 800 litres de carburant tous les trente jours. » Et de se demander quel trajet parcouru par Jean Claude Nduwimana nécessite la consommation de 26 litres par jour. « Même le gouverneur n’utilise pas autant de carburant par jour. Cela prouve qu’il y a eu un vol déguisé. »

Des dépenses qui interrogent

Notre source confie, en outre, que l’administrateur communal loue une voiture de type starlette à hauteur de 30 mille BIF par jour depuis que la sienne a été endommagé au cours d’un accident. « Comment expliquer qu’une commune dépense presqu’un million BIF pour une location d’une telle voiture par mois alors que le coût d’achat du même véhicule ne dépasse pas 6 millions !» Un autre conseiller communal d’ajouter que la réunion du 16 juin dernier du conseil communal a exigé que cette situation cesse.

En plus de ces accusations, nos sources parlent d’une gestion opaque des carrières en commune Nyanza-lac. « Nul ne peut dire combien elles font rentrer dans les caisses de la commune. C’est le flou total. »

Interrogé, Jean Claude Nduwimana, administrateur communal de Nyanza-lac, s’est refusé à tout commentaire avant de lâcher qu’il ne s’exprime pas sur des rumeurs de rue.

Gad Niyonkuru : « Ces accusations sont extrêmement graves et je ne peux me prononcer sans les résultats des enquêtes. »

Contacté Gad Niyonkuru, gouverneur de Makamba, dit ne pas être au courant de cette affaire. « Vous êtes le premier à m’en informer ». Et d’ajouter qu’il a appris que Bernard Nyabenda, vice-président du conseil communal, avait écrit des lettres pour limoger le comptable de la commune, mais qu’il n’a pas été informé sur la suite. « Je regrette que personne n’ait daigné m’informer ni même les membres du conseiller communal. Ils savent que je suis parmi ceux qui doivent défendre les biens de notre province. »

Tel est pris qui croyait prendre

Le gouverneur conclut qu’une enquête s’impose pour démêler le vrai du faux dans ce dossier. « Ces accusations sont extrêmement graves et je ne peux me prononcer sans les résultats des enquêtes ».

« Faux ! », rétorque Bernard Nyabenda. « Le gouverneur est bel et bien au courant de cette affaire ». Et pour cause, explique-t-il, M. Niyonkuru a reçu une correspondance au mois de mars lui adressée par Hélène Nsenga et Jérémie Ntakirutimana, respectivement comptable et ordonnateur (RCO) de la commune Nyanza-Lac. « Cette lettre avait comme objet la situation de menaces. Ils accusaient le conseil communal de vouloir les limoger. Le gouverneur n’a pas donné suite à cette lettre ».

Notre source explique que c’est suite à la recommandation du conseil communal, lors de la réunion de mars, d’évaluer l’utilisation des fonds que les problèmes ont surgi. « Le conseil a nommé une commission non permanente de contrôle des recettes et dépenses pour le premier trimestre. Il m’a nommé à la tête de ladite commission ». Comme recommandé, se rappelle-t-il, il a écrit une lettre à la comptable pour qu’elle mette à sa disposition tous les documents pour que la commission effectue efficacement sa tâche. « C’était le compte de gestion pour les mois de février et mars et l’historique bancaire de ces deux mois.  Elle l’a mal pris et a décidé d’écrire au gouverneur. » Et de se demander pourquoi le gouverneur ne lui a jamais répondu.

Quant à l’enquête promise par le gouverneur, Bernard Nyabenda espère que la vérité sortira afin de préserver les biens de la commune.

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