Jeudi 25 avril 2024

Politique

Mugamba : assassinats ciblés et arrestations

Depuis un certain temps, la population de la commune Mugamba en province Bururi assiste à des assassinats et arrestations tous azimuts des jeunes présumés membres de «bandes armées». Certains habitants parlent de règlements de comptes.

Commune Mugamba, théâtre de règlements de compte sur fond de conflits fonciers
Commune Mugamba, théâtre de règlements de compte sur fond de conflits fonciers

Qu’est-ce qui se passe en commune Mugamba? Les habitants de cette localité s’interrogent. «Rien. La sécurité est totale », répond le gouverneur de la province Bururi Christian Nkurunziza. «Des assassinats ciblés s’observent tout le temps. Accusés d’être des combattants, des jeunes se font arrêter.

Ces jeunes sont victimes de règlements de compte personnels ou pour avoir manifesté contre le 3ème mandat, accusent les habitants de Mugamba. «Ces sont des bandits qui sont arrêtés. Il n’y a pas de groupes armés dans la province Bururi. La situation est maîtrisée », soutient le gouverneur.

Depuis des mois, des assassinats ciblés sont perpétrés sur les collines de Mugamba. Ainsi, ce mercredi 14 septembre 2016 à 16 heures, une grenade a explosé dans un ménage de la colline Munini, zone Kivumu. La famille visée était celle de Dismas Bashirahishize alias Bitama. Cet ancien militaire (EX-FAB) est mort sur-le-champ ainsi que sa deuxième épouse et son enfant. Selon l’administration à la base, les auteurs de ce triple assassinat ne sont pas encore connus.

Des assassinats ciblés à caractère politique

Selon des sources sur la colline Munini, le dénommé Bitama collaborerait avec les forces de l’ordre dans leurs arrestations. «C’est lui qui dénonçait les jeunes qui ont participé dans les manifestations. C’est probablement pour ça qu’il a été tué », indiquent nos sources. D’autres avancent des conflits fonciers comme mobiles. Le chef de zone Kivumu fait savoir que les enquêtes sont en cours. «Nous allons d’abord enterrer les morts.»

C’est le deuxième assassinat ciblé en moins d’un mois. Le 26 août 2016, Florida Nduwimana, une jeune femme de 25 ans, a été assassinée sur la colline Mugendo Ruko dans la zone Nyagasasa. De la même commune de Mugamba. «Il était aux environs de 20h lorsque nous avons entendu beaucoup de coups de feu », raconte un administratif à la base.

D’après cet élu, ces assaillants sont entrés dans la maison et ont demandé à la jeune femme où se trouve son frère, Claver Nihorimbere. «On l’accuse de dénoncer les jeunes qui ont participé dans les manifestations.» Le frère n’est pas à la maison. Florida tente alors de s’enfuir, mais les malfaiteurs la coincent derrière la maison et la fusillent à bout portant.

Dans la foulée, 3 hommes sont interpellés dont un ancien militaire ex-FAB résidant sur la colline de Mugendo-Ruko et un taxi-motard de la colline de Nyakigano. Quelques jours après, le 7 septembre 2016, 15 personnes, majoritairement des jeunes, sont arrêtés sur la colline Nyamugari de la zone Nyagasasa. «Ils étaient en train de boire de la bière lorsque la police a débarqué », racontent des témoins. «Nous avions une liste de personnes soupçonnées du meurtre de la jeune femme. Certains ont tenté de s’enfuir et la police a été obligée de tirer.», souligne le gouverneur de la province Bururi.

Les 15 personnes sont conduites manu militari dans les cachots de la commune Mugamba. Selon des sources au chef-lieu de la commune, ces prévenus auraient été torturés. «Nous entendions leurs cris pendant la nuit. Même certains policiers nous le disaient », confie un homme qui habite aux environs des cachots. Huit parmi eux seront relâchés par après. Sept restent dans les cachots dont un certain Privat, Nkurunziza alias Kigingi, Gaspard Nkenshimana, Buyoya,…


Assassinats sur fond de règlements de comptes

A côté des mobiles politiques, les habitants de la commune Mugamba parlent d’arrestations et assassinats sur base de règlements de comptes. Le gouverneur réfute les accusations, mais le porte-parole de la police approuve.

Christian Nkurunziza : « Il n’y a pas de règlement de compte, Ce sont seulement des bandits que la police traque »
Christian Nkurunziza : « Il n’y a pas de règlement de compte, ce sont seulement des bandits que la police traque »

Le cas le plus emblématique s’est produit lundi 12 septembre 2016 à 8h du matin lorsque des policiers ont encerclé la maison où vit un certain Batungwanayo, élève du secondaire, sur la colline Nyakimonyi en zone Vyuya. Le jeune réussit à passer dans les mailles du filet et les policiers lui tirent dessus sans l’atteindre.

Selon ces policiers, ce jeune homme héberge souvent des combattants. «C’est un mensonge éhonté. C’est la famille voisine qui l’a dénoncé à la police. C’est deux familles se regardent en chiens de faïence depuis longtemps à cause d’un conflit foncier», confie un de leurs voisins sous anonymat.

Le lendemain, les habitants de la colline Nyakimonyi se rendent à la police afin d’éclaircir la situation. «Nous connaissons ce jeune homme. Il n’a jamais été dans des groupes armés », confie un d’entre eux. «La police ne devrait pas se mêler dans des affaires foncières. Il faut qu’elle fasse attention dans ses investigations pour ne pas tomber dans des pièges », renchérit un autre. Et de conclure que si rien ne change, cette pratique risque de s’installer petit à petit.

Christian Nkurunziza persiste et signe : «Il n’y a pas de règlements de comptes. Ce sont seulement des bandits que la police traque. Et d’ailleurs, les policiers et les militaires qui sont à Mugamba ne sont pas natifs de cette commune.»

Des règlements de comptes sur fond de conflits fonciers

Contacté, Pierre Nkurikiye revient d’abord sur le cas des 15 jeunes arrêtés. D’après lui, 7 jeunes sur les 15 arrêtés, restent au cachot. Les autres ont été relâchés : « Trois ont été acheminés au SNR pour plus d’enquêtes.

Quatre sont en prison à Bururi et leurs dossiers ont été transmis au Parquet de Bururi. » En plus de ces quatre jeunes, confie Pierre Nkurikiye, trois autres jeunes sont également emprisonnés à Bururi, suspectés d’avoir participé dans l’assassinat de Florida Nduwimana.

Concernant les assassinats liés au règlement de compte ou à des conflits fonciers, Pierre Nkurikiye abonde dans le même sens que les habitants de Mugamba : « Le dernier cas en date s’est passé hier. Un ex-FAB du nom de Dismas Bashirahishize a été tué à la grenade par des gens avec qui il était en conflit à cause d’un terrain. »

Il y a quelques temps, soutient Nkurikiye, M. Bashirahishize, a été intimidé par des jeunes de cette famille et a dû se réfugier vers une position militaire par peur d’être tué. Et de préciser que Dismas Bashirahishize allait être réhabilité dans ses droits par le tribunal ce jeudi 15 septembre : « Les premières enquêtes tendent à prouver que l’attaque à la grenade d’hier est liée à la décision du tribunal. Et que ces jeunes l’ont tué pour cela. » La police à Mugamba est en train de rechercher cinq personnes soupçonnées d’avoir tué cet ancien militaire.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. RUGAMBA RUTAGANZWA

    Christian Nkurunziza : « Il n’y a pas de règlement de compte, ce sont seulement des bandits que la police traque »

    C’est la honte Mr le Gouverneur. Vous vous associez au Gouvernement du CNDD-FDD pour soutenir la violation des droits de la personne humaine au Burundi. Depuis avril 2015, ce pays est en rupture complète de l’Etat de Droit comme le déclarait si justement le Haut Commissaire des NU aux Droits de l’Homme à Genève en juillet dernier. C’est la jungle où la justice n’a plus aucune place
    http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20534&LangID=E
    Mentez mentez mais le monde entier vous observe. Il y en a qui risquent de finir leurs jours à La Haye comme Milosevic. Le ridicule ne tue pas.

  2. Ayuhu Jean Pierre

    Monsieur Bigirimana,
    Monsieur Manirakiza,
    Vous titrez en gros caractères « Mugamba : assassinats ciblés et arrestations ». Le titre est en soi accusateur et est révélateur de l’esprit qui anime la presse burundaise, qui au jourd’hui est aussi à l’image de ce que la société est. Des accusations mutuelles. Or, on attend de la presse autre chose. Toute personne qui lirait votre titre ne peut qu’être frappé par le titre et l’horreur qui en découle: Mugamba : assassinats ciblés et arrestations.
    Ceci est une invitation à plus de déontologie et non à une presse sensationnelle!
    Meilleures salutations

    • James

      Et pourtant, les noms des cibles qui ont ete assassines et arretes, les sources de l’info, les interviews qui soutiennent le titre sont cites dans l’article. Tu ferais mieux de demontrer que ces noms des victimes n’existent pas pour convaincre que ces journalistes sont des abangushi. C’est connu de tous que les banyamugamba comme ailleurs ou les autres citoyens qui ont proteste contre le 3eme mandat illegal sont en train de payer cher. Les policiers de Nkurunziza veulent les enterrer tous et chasser du Pays ceux qui echappent a la mort. Regarde en face ces abus que tu soutiens avec trop de zele, ne soit pas gene, assume et soit fier de votre choix au lieu de donner des lecons incensees chaque fois que tu tombes sur une verite qui te blesse.

  3. KABADUGARITSE

    S’il suffit d’être accusé de quelque chose pour être arrêté sans enquête, il faudra que les concubins et les concubines prennent le large à temps car ils sont les plus nombreux à se supporter difficilement.

    Imana igarukire Uburundi.-

    • @Kabadugaritse
      Vous ne manquez pas d’humour! Vous voulez dire que les concubins et les concubines souffrent autant que les gens actuellement arrêtés pour des motifs politiques comme les jeunes de Mugamba?

      • KABADUGARITSE

        Biragoye we! Je suis démocrate jusqu’à la moelle épinière, donc vous prenez ce que vous voulez. J’ai sorti ce que j’ai au cœur mais je ne vais pas comprendre à la place du lecteur.-

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Une responsabilité de trop

« Les décisions prises par la CVR ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels. » C’est la disposition de l’article 11 du projet de loi portant réorganisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation analysée par l’Assemblée nationale et le Sénat (…)

Online Users

Total 4 398 users online