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Makamba, fonctionnaires rapatriés : ils s’adaptent tant bien que mal

24/06/2011 Commentaires fermés sur Makamba, fonctionnaires rapatriés : ils s’adaptent tant bien que mal

Des fonctionnaires burundais rapatriés de Tanzanie ayant réintégré leurs services ou nouvellement engagés éprouvent d’énormes difficultés surtout linguistique, et l’équivalence des diplômes. Ils demandent des formations et des recyclages.

« Apprendre le français, cette langue très compliquée, n’est pas pas aussi difficile qu’on le pense », confie Japhet Nahigombeye, un rapatrié, professeur d’anglais au lycée communal Mabanda. Pour lui, à cause de la méconnaissance du français, il communique très mal avec la direction lors des réunions pédagogiques par exemple : « Des fois j’ai besoin de faire des propositions, mais comme je n’arrive pas à les formuler en français, je me tais. » Aussi, la communication entre lui et ses élèves n’est pas bonne : « J’enseigne l’anglais en 9ème année aux enfants qui ont besoin des explications de certains termes en français alors que je n’en connais mot. » D’après J. Nahigombeye, pour mieux expliquer, il apporte des objets en classe et montre des exemples concrets aux élèves.

Il estime, par ailleurs, que le gouvernement a commencé où il devait terminer : « Avant de nous embaucher, surtout dans un secteur aussi sensible que celui de l’éducation, il devait d’abord nous former pour comprendre le système professionnel burundais. » Une autre difficulté concerne les ordinateurs : « Nous savons les manipuler, mais nous ne maîtrisons pas le clavier français, malheureusement. »

D’après lui, l’obtention de l’équivalence du diplôme cause des ennuis aux rapatriés : « Six mois d’une longue attente !» Il demande au gouvernement de limiter les procédures, car les rapatriés sont généralement des gens sans moyens financiers. Pire, selon cet homme de 32 ans né et grandi en Tanzanie, les enseignants rapatriés attendent le cumulé (premier salaire payé à un fonctionnaire débutant) comme les autres : « Il y a 14 mois que j’attends cet argent. Or, nous sommes un groupe vulnérable, ils devaient nous payer à temps puisqu’ici nous commençons une nouvelle vie. »

Tharcisse Ndimurwanko, préfet des études du lycée communal demande avec insistance une formation en français pour le professeur d’anglais : « Les élèves de la 9ème année ne sont pas encore rodés en anglais, c’est pourquoi ils devaient avoir un professeur qui comprend plus ou moins le français pour certains éclaircissements. » Il précise, en outre, que cette situation doit avoir des répercutions négatives sur le rendement des élèves.

Des arrangements pour réintégrer le service

Charles Karibuhoye, un rapatrié qui a réintégré la Direction Provinciale de l’Agriculture et de l’Elevage (DPAE) Makamba en 2006, avait quitté ce service en 1971 pour une formation professionnelle en Europe. La crise sociale de 1972 a éclaté alors qu’il n’était pas encore au pays : « J’ai donc fui vers la Tanzanie, au camp de Gatumba. »
Il a obtenu une attestation de rapatriement, puis on lui a demandé d’écrire une lettre de réintégration à la Fonction Publique : « On m’avait carrément refusé la réaffectation à la DPAE.»

Comme tous les autres fonctionnaires rapatriés qui réintègrent leurs anciens services, il a été considéré comme quelqu’un qui a toujours été au travail depuis 1971. Mais, s’étonne-t-il, il n’y a pas eu paiement des arriérés de salaires. Aussi, selon M. Karibuhoye, les fonctionnaires rapatriés de 1972 n’ont pas eu les frais d’établissement comme l’Etat l’a fait pour ceux de 1993.

Il lui est difficile de parler français, même s’il avait évolué au Burundi avant de fuir le pays : « La langue se développe quand elle se parle. Je n’ai jamais communiqué en français en Tanzanie, et je l’ai presque oublié. » Ce vétérinaire demande qu’il y ait des recyclages pour mettre à jour ses compétences linguistiques.

L’administration n’a pas encore fait grand-chose…

Cyriaque Kabura, conseiller principal du gouverneur de la province Makamba signale que les problèmes des rapatriés dépassent les compétences des autorités provinciales : « Le gouverneur a déjà soumis cette question au niveau du gouvernement. » En plus, selon lui, lors des réunions du Président de la République avec les gouverneurs de provinces, cette question est souvent évoquée.
Selon Philippe Nzobonariba, porte-parole du gouvernement, il appartient au ministère de la Fonction Publique de choisir les modules de formation pour mettre à niveau les rapatriés. C’est au même ministère de résoudre toutes les questions liées aux salaires des rapatriés. Iwacu a essayé d’avoir l’avis de la ministre Annonciata Sendazirasa, en charge de ce ministère sur ces préoccupations des rapatriés, sans succès.
Rapatriement des réfugiés par le HCR

512 490 réfugiés ont été rapatriés entre 2002 et 2011, d’après le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) au Burundi. Selon lui, 29 mille réfugiés burundais parmi ceux arrivés en 1972 en Tanzanie ont obtenu la citoyenneté de ce pays en août 2009 (au total 162 mille avaient demandé la naturalisation tanzanienne)

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Cet article a été publié avec le soutien généreux du peuple américain. Les points de vue des auteurs ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International ou du Gouvernement des Etats-Unis.

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