Jeudi 28 mars 2024

Économie

L’insécurité alimentaire règne en maître à Ruyigi

14/02/2017 4

De faibles précipitations et des maladies de cultures sont parmi les causes de la baisse de la production agricole. Les prix des rares denrées disponibles ont ainsi été revus à la hausse au grand dam de la population.

Au Chef-lieu de la commune Gisuru, province Ruyigi
Au Chef-lieu de la commune Gisuru, province Ruyigi

« La récolte n’a pas été bonne, suite au tarissement des pluies », raconte Kabura, un père de cinq enfants croisé au Chef-lieu de la commune Gisuru, province Ruyigi. Et pire encore, poursuit-il, beaucoup de familles sont dans une pauvreté extrême. « Il n’y a plus de manioc et de patates douces dans les champs. Ils ont été attaqués par des maladies, alors que c’était presque la base de l’alimentation des gens du coin », indique M. Kabura.

Ainsi, les prix ont doublé voire triplé. « 1kg de farine de manioc est actuellement à plus de 1000Fbu contre 600Fbu auparavant. Celui du riz – la qualité la moins chère – est autour de 1800Fbu alors que c’est le moment de récolte.» D’après un boutiquier au marché sis au Chef-lieu de la commune Gisuru, cette dernière fut jadis un lieu d’approvisionnement en haricot, riz, maïs, etc.

Nyabenda, un autre père de famille de la colline Muvumu, dit qu’il est très difficile de nourrir sa famille : « Nous ne faisons que vivoter. Quand j’ai la chance d’avoir 1kg de farine, ils n’ont pas d’autre choix. » Il confie qu’ils passent souvent des nuits blanches. Et dans sa localité, beaucoup de gens ont déjà pris le large vers la Tanzanie ou d’autres provinces. Leurs champs de haricot et de maïs presqu’à maturité, explique-t-il, ont été détruits par des pluies torrentielles mêlées de grêle. Ce cultivateur ajoute que la banane est désormais réservée aux riches : « Un petit régime de banane s’achète entre 10000Fbu et 15000Fbu. » Il y a quelques mois, précise-t-il, le même régime était vendu à moins de 5000Fbu.

« Pour la saison B, nous ne sommes pas sûrs de récolter »

« Le retard des pluies a occasionné également des pertes énormes pour les agriculteurs. » Il indique que la saison culturale A s’est soldée par une très mauvaise production. « Et pour la saison B, nous ne sommes pas sûrs de récolter, car si ce n’est pas des pluies torrentielles mêlées de grêle qui tombent, beaucoup de semaines peuvent s’écouler sans aucune goutte d’eau. » Et de conseiller l’Etat de chercher une aide alimentaire pour eux. Sinon il prévient que, dans les prochains jours, la situation risque d’être catastrophique.

Au bord de la route reliant Gisuru au centre Ruyigi, quelques individus font griller le peu de maïs récolté, alors que c’est censé être le moment de sa moisson à Gisuru et à Butaganzwa. Et des camions de marque Fuso raflent le peu de production de la première saison. Malgré que ce soit le moment de la récolte du riz, le prix n’a pas chuté. « On était habitué à s’approvisionner en Tanzanie, mais actuellement ce n’est plus possible », se désole un boutiquier du Chef-lieu de la commune Gisuru.
Aloys Ngenzirabona, administrateur de cette commune, évoque les huit collines les plus touchées : Itahe, Itaba, Kabingo, Ntende, Ruyaga, Bugarama, Muvumu et Gakangaga. Il se félicite qu’aucun cas de décès ne soit enregistré.

Outre les destructions des récoltes, fait savoir l’administrateur, les pluies torrentielles ont récemment détruits 26 maisons et une église Méthodiste à Itaba. A Kabingo, 10 maisons ont subi le même sort. « Et les locataires n’ont pas encore bénéficié d’assistance.» Il appelle le ministère des Affaires sociales à leur venir en aide.

Concernant les vivres en provenance de la Tanzanie, M.Ngenzirabona constate qu’aujourd’hui sa partie orientale (localités de Mwanza et Shinyanga et régions de Kagera et Kigoma) est également touchée par la sécheresse.


Les lycées tirent la sonnette d’alarme

Les responsables des écoles à régime d’internat peinent à nourrir les élèves. Une situation aggravée par l’insuffisance et le retard des subsides. Iwacu revient sur le cas du Lycée Saint Joseph de Rusengo.

Frère Marc Gasusurwa demande au gouvernement de hausser la quote-part de chaque élève pour leur permettre de faire face à la famine
Frère Marc Gasusurwa demande au gouvernement de hausser la quote-part de chaque élève pour leur permettre de faire face à la famine

« La vie devient de plus en plus insupportable. Les enfants ont tellement faim. Et ça concerne tous les autres lycées », alerte Frère Marc Gasusurwa, directeur du Lycée Rusengo.

Il assure que c’est très difficile de continuer à nourrir les élèves avec la montée des prix des denrées alimentaires. De surcroît, depuis plusieurs années, la quote-part d’un élève est de 800Fbu par jour. « Dites-moi comment pouvons-nous nourrir une personne avec cette somme après avoir retranché les frais d’équipement des bureaux, le paiement des salaires du personnel d’appui, etc ? »

Selon lui, après ces retraits, il ne reste que 600Fbu. Et de signaler qu’une décision est récemment tombée exigeant des écoles de payer leurs factures d’électricité. « Et c’est dans ces 800Fbu qu’on doit puiser », déplore-t-il, confiant que même cette somme modique arrive avec un grand retard.

« Plus nous enregistrons des retards dans le paiement des fournisseurs, plus ces derniers comptent des intérêts de retard. Ils ont même menacé de ne plus nous approvisionner, si la situation perdure. » Et selon le rapport financier de cette école, jusqu’au 31 janvier 2017, la dette envers les fournisseurs s’élevait à plus de 137 millions de Fbu. Et cette école compte 724 élèves, dont 617 internes.

La faim impacte les élèves

La faim se remarque même lors des cours. « Les professeurs nous rapportent que les élèves somnolent en classe, bâillent et ne suivent plus. Cela montre qu’ils ne mangent plus à leur faim.» Du reste, il observe des absences chez certains élèves externes parce qu’ils passent souvent des nuits blanches à jeûn.

Pour permettre aux écoles à régime d’internat de faire face à la famine, Frère Marc Gasusurwa fait des propositions aux décideurs : « Il faut augmenter la quote-part de chaque élève par jour à au moins 1500Fbu et 2000Fbu par individu. » Ensuite, le directeur souhaiterait que les fonds soient débloqués entre juin et juillet. « Cela nous permettrait de nous approvisionner avant le début de l’année scolaire.» Dans ces mois de moisson, explique-t-il, les prix sont encore bas et les fournisseurs n’auraient plus de raison de faire payer les intérêts de retard. L’autre option serait d’augmenter les frais de scolarité. « Ce serait injuste pour les parents qui font face aujourd’hui à une misère sans nom. »


L’administration tente de rassurer


Tout en reconnaissant une insécurité alimentaire, Aloys Ngenzirabona assure que personne n’a fui en Tanzanie. Il appelle la population à cultiver des plantes à courte saison culturale.

Aloys Ngenzirabona appelle la population à cultiver des plantes à courte saison culturale
Aloys Ngenzirabona appelle la population à cultiver des plantes à courte saison culturale

« Nous demandons à la population de ne pas baisser les bras et de rester optimiste. Il faut cultiver des amarantes, des choux, des patates douces, du manioc, etc », dixit M. Ngenzirabona. Il espère que les gens ne vont pas fuir, car c’est le moment de la récolte du haricot. Cet administratif invite les agriculteurs à irriguer leurs champs. Aux commerçants, l’administrateur estime qu’ils devraient s’approvisionner en produits alimentaires dans des marchés extérieurs.

Idrissa, un commerçant de cette localité, rétorque qu’ils risqueraient de travailler à perte vu les impôts sur les produits alimentaires. « Dans de pareilles circonstances, ces denrées devraient être exonérées.»

Selon une habitante de cette localité, le gouvernement devrait demander un appui alimentaire à d’autres pays ou des agences onusiennes, comme le PAM. Et de faire remarquer que personne ne pourra empêcher un affamé de fuir.

Concernant l’irrigation, M. Ngenzirabona estime que cela devrait être un grand projet du gouvernement par la disponibilisation du matériel et la construction de grands étangs qui conservent l’eau pluviale. Pour lui, en cas d’une aide alimentaire, le gouvernement doit demander aux administratifs de faire l’inventaire des plus nécessiteux.
Contacté, le gouverneur de la province Ruyigi s’est refusé à tout commentaire.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Poa ndi irishura berniqe

  2. kindros

    Mbega ivyo musaba gouvernement mubona ibishoboye actuellement ! Rindira les négociations d´Arusha nyabuna

  3. MIZA

    Vous êtes sûr que vous parlez d’une province du Burundi là ? Pourtant tout va bien, il y a la paix,…Il suffit d’écouter nos dirigeants ? Ne sont-ils pas au courant ?

    • nunu nado

      Savons-nous ce que c’est : les priorites humains d’un pays versus la politique ideologique des partis?

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