Jeudi 25 avril 2024

Société

Les écoles à régime d’internat tirent le diable par la queue

C’est en termes de millions que s’élève la dette de ces écoles à leurs fournisseurs. Les causes sont multiples. Allant des subsides insuffisants et à leur retard. Pourtant, certaines écoles tirent leur épingle du jeu.

Les locaux du lycée Gitega ©Iwacu
Les locaux du lycée Gitega ©Iwacu

« Nous devons 33.607.000 Fbu à notre fournisseur. Ce montant concerne seulement les vivres secs.», précise d’emblée Emmanuel Nyawenda, directeur du Lycée Gitega (Ex-ENG). Ce responsable ne mâche pas les mots. Les subsides que l’Etat alloue aux écoles à internat sont insuffisants. Selon lui, l’Etat donne 800Fbu par jour et par élève. Et cette somme n’est pas exclusive pour l’alimentation seulement, elle concerne aussi tous les besoins. De plus, poursuit le directeur, le minerval que paie les parents n’aide en rien ou presque «Tenez, chaque élève paie 8000 Fbu par trimestre, c’est un peu plus de 80 Fbu par jour. Qu’est-ce qu’on peut acheter aujourd’hui avec ça?» Et de surcroît, tous les élèves ne paient pas ce minerval car le Lycée Gitega a environs 100 indigents censés pris en charge par leurs communes d’origine. «On n’a jamais vu un sou venant des communes.»

D’après Emmanuel Nyawenda, tout cela enfonce l’école dans les dettes. «Les prix sur les marchés continuent de monter mais les subsides ne bougent pas d’un iota. Le minerval, n’en parlons pas.» Et d’ajouter que le retard dans le décaissement des subsides contribue aussi à cet endettement. Au lieu de les donner mensuellement, les écoles les reçoivent après deux mois.

Une école avec du flair | Avec un effectif de 130 élèves, l’Ecole technique secondaire d’art (ETSA) n’a aucune dette envers ses fournisseurs. Selon Clément Nzosaba, directeur de l’établissement, l’Etat a payé les dettes qu’avait l’école, ce qui a permis de créer, avec les subsides de l’Etat, une caisse appelée « sécurité alimentaire ». Ils puisent dans cette dernière lorsque les subsides se font attendre. Quand l’Etat octroie les subsides, ils remboursent la caisse. Une autre astuce pour éviter l’endettement, ils n’achètent jamais les vivres à un fournisseur mais aux particuliers. «Nous achetons au comptant et à bas prix. Cela nous permet de gagner 300 à 350 Fbu par kilo.» Clément Nzosaba assure qu’ils ont déjà acheté des haricots pour tout un trimestre.
Toutefois, le directeur fait savoir que les moyens font défaut pour le matériel spécial d’enseignement (peinture, différents types de papier,…). «L’Etat ne nous donne que juste la moitié des fonds nécessaire.» 600.000Fbu par trimestre alors qu’ils ont besoin de plus de 1.200.000 Fbu. «C’est l’équivalent de 13 pots de peinture à 45.000Fbu le pot. Nous nous débrouillons mais c’est dur.» Il demande à l’Etat d’augmenter les subsides.

« L’Etat dépense 700Fbu par jour et par élève »

Le Lycée Notre Dame de la Sagesse (Ex-CND) quant à lui doit à ses fournisseurs plus de 45 millions de Fbu. «Plus tu as un effectif élevé, plus les problèmes augmentent.», précise l’économe, Abbé Jérôme Sinzinkayo. Autour de 970 élèves à l’internat pour ce lycée. Le problème d’après lui est que l’Etat ne donne jamais les subsides régulièrement. Ce qui les dispenserait de s’adresser aux fournisseurs et partant éviter l’endettement. «Ces derniers achètent un kilo de haricot à 500 ou 600 Fbu mais ils nous le vendent à 1200Fbu.»

C’est aussi le cas au Lycée Rutovu. Ce dernier doit 50 millions de Fbu à ses fournisseurs. Frère Sylvère Nimirijimana, directeur, indique que les subsides du gouvernement sont insuffisants et arrivent avec retard. « L’Etat dépense 700Fbu par jour et par élève. Avec un complément du minerval, on se retrouve avec 800Fbu par jour et par élève. Avec 933 élèves internes, c’est difficile de tenir», mentionne-t-il. De ce fait, les élèves mènent une vie misérable. Le matin, ils ne prennent pas de petit déjeuner.

La situation est similaire au Lycée Ngagara, ex-Ecole Normale d’Etat (ENE). La dette s’élève à plus de 10 millions de Fbu. Consolate Ndayisaba, économe, évoque aussi le retard dans l’octroi des subsides qui sont par ailleurs insuffisants. Elle fait remarque la difficulté de faire vivre un élève avec 800Fbu par jour. La solution est de revoir à la hausse les subsides. « Au moins 1500Fbu par jour et par élève », propose-t-elle.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. heteurazh

    c’est dur, tres dur!
    la question est qu’est ce qu’il faut faire? quelles meilleures propositions, quelles alternatives?
    je pense qu’il faut une saine gestion du peu qu’il y a! je suis convaincu que le problème n’est pas seulement du côté de l’Etat, qui a , comme on le sait, plusieurs engagements au niveau des finances. alors quelle projection, quelle planification, quel progrès… bref, la responsabilité est partagé!

    Par ailleurs, je connais des ecoles ( seminaires, ecole sous convention) qui n’ont pas ce genre de soucis car leurs responsables ne sont pas des mercenaires ( comme on peut le constater dans d’autres ecoles).

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