Mardi 19 mars 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

Le testament d’un Juste

10/09/2018 Commentaires fermés sur Le testament d’un Juste
Le testament d’un Juste
Monseigneur Joachim Ruhuna

Il y a exactement 22 ans, le 9 septembre 1996, Monseigneur Joachim Ruhuna, Archevêque de Gitega est assassiné à Murongwe près de la rivière Mubarazi dans la Province de Gitega. Il rejoint la longue liste des hommes d’Eglise sacrifiés sur l’autel de l’intégrisme ethnique. On dénombre au moins une trentaine de prêtres tués depuis 1972. Même des prêtres étrangers, dont un Nonce apostolique, Mgr Courtnay (Irlandais) , ont été victimes de notre folie.

L’assassinat de l’Archevêque de Gitega a traumatisé non seulement l’Eglise catholique mais aussi des millions de Burundais.
L’homme était connu pour sa simplicité, sa générosité et son engagement pour la paix.

Trois mois plus tôt , lors des funérailles des déplacés tués sur le site de Bugendana, il avait fait une homélie qui est restée dans toutes les mémoires.

Extraits :

« Contemplez avec moi les corps de nos frères et sœurs rangés devant nous. Des centaines et des centaines qui sont tombés sous les coups des malfaiteurs. Presque tous sont des femmes et des enfants sans défense. Déjà privés des leurs en octobre 1993, ils ont été chassés de leurs collines et de leurs maisons ; ils ont cherché refuge en ces lieux de misère. » (…)

«  Ils n’avaient plus rien ; ils ne connaissaient que la misère, le froid, la faim comme tant d’autres déplacés regroupés dans ces camps, un peu partout dans le pays. » (…)

« Ils sont là devant nous, tués par leurs frères, des Burundais comme eux. Seigneur, que le sang de tes bienaimés soit pour notre pays une source de salut afin que nous puissions sortir de cette horreur, afin que cessent ces larmes et cette violence insensée et meurtrière qui n’a pas de nom et qui nous fait honte. »(…)

« Mais, dites-moi, où sont donc ceux qui ont commis ces crimes ? Quel jugement connaîtront-ils ? »(…)

«  Burundais, Burundaises, mes sœurs et mes frères. Laissez-moi m’adresser à ces assassins et à ceux qui les envoient. J’élève ma voix, et que le monde l’entende ! Vos crimes sont la honte de l’humanité. Je vous en supplie : déposez les armes, cessez ces massacres, la paix est à ce prix. Vous y aspirez, vous aussi, laissez les autres vivre en paix. »

« A tous ceux qui ont perdu les leurs, je demande de ne pas sombrer dans l’illusion de la vengeance. Ce n’est pas en tuant à ton tour que tu feras revenir les tiens. » (…)

« Rompons avec le crime qui sévit dans notre pays. Il n’y a qu’un chemin qui mène à la paix et au bonheur : c’est le culte de la vérité et de la justice, la passion du bien. »

«  Je continue à rêver d’un Burundi où tous ses fils et ses filles se réconcilient ; d’un Burundi où les déplacés retrouvent leurs propriétés ; d’un Burundi qui s’adonne au développement.

« Burundais, mes frères, Burundaises mes sœurs, tout dépend de nous. »

Cette homélie est restée célèbre. Il semble même que Mgr J. Ruhuna a signé son arrêt de mort ce jour-là. Trois mois plus tard, il est effectivement assassiné.

Le plus terrible dans cette histoire, c’est que l’Eglise catholique du Burundi a identifié les assassins et porté plainte. Mieux, l’Eglise catholique a désigné nommément celui qui commandait le groupe des rebelles qui ont assassiné l’Archevêque.

J’ai eu l’honneur d’écrire un livre d’entretiens de Mgr Simon Ntamwana. Il m’a dit et c’est écrit (page 163) le nom de cet homme. « Le commandant sur place au moment des faits est connu, son nom a été transmis à la Justice et son arrestation a été demandée par nos avocats. » Nous étions en 2003. Quinze ans plus tard, l’homme est toujours là . Il n’a jamais été inquiété. Il a le grade de général aujourd’hui.

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