Mardi 16 avril 2024

International

Interview exclusive – Laurent Delahousse : « Les compromis en politique sont faits avec ses adversaires »

03/04/2017 13

La coopération avec le Burundi, les questions sur la sécurité, le dialogue inter-burundais, etc. L’ambassadeur de France au Burundi répond à Iwacu.

 

ambassadeur-de-france-1Comment évaluez-vous la situation sécuritaire au Burundi ?

Tout dépend de ce qu’on appelle « sécurité. ». Il est clair qu’aujourd’hui on ne tire plus, on ne jette plus de grenades dans les grandes villes du Burundi et Bujumbura en particulier. Dans la capitale, on peut vaquer à ses occupations, sortir le soir sans craindre de se faire tirer dessus. En revanche, pour beaucoup de Burundais, notamment ceux qui ne sont pas en accord avec certaines orientations du pouvoir, la peur domine. On découvre chaque semaine des corps, des gens sont assassinés, d’autres sont arrêtés et emprisonnés, voire torturés… Il faut un suivi de cette situation de sécurité et des droits de l’homme dans le pays par un moyen qui soit parfaitement incontestable, c’est pour cela qu’il y a deux instruments internationaux : . le monitoring effectué par le bureau du Haut-commissaire aux droits de l’homme et la mission d’observation de l’Union africaine.

Mais ces deux institutions ne peuvent pas travailler parce que les accords internationaux avec les autorités burundaises n’ont pas été signés ?

Des négociations sont en cours et on espère tous une conclusion rapide pour que ces thermomètres qui permettent de mesurer objectivement la fièvre sécuritaire du Burundi puissent fonctionner et qu’on puisse en traiter les causes.

Qu’en est-il de l’ouverture de l’espace politique au Burundi ?

J’ose espérer qu’au-delà de la ville de Bujumbura, le pays est ouvert à l’ensemble des forces politiques. Je m’inquiète quand je vois très fréquemment l’arrestation des militants de l’opposition. Je m’inquiète quand je vois se développer comme des champignons, un peu partout dans le pays, des monuments à la gloire d’un seul parti, ce marquage territorial. J’espère qu’il s’agit simplement de l’enthousiasme local des militants plutôt que la proclamation que certaines portions du territoire seraient réservées à telle opinion politique plutôt qu’ouvertes à toutes.

Le Burundi est sous sanctions de l’Union européenne depuis mars 2016, allons-nous vers un dégel ?

Il ne s’agit pas de sanctions, mais plutôt de « mesures appropriées » décidées en application de l’art 96 de la convention de Cotonou. Cela dit, nous sommes depuis plusieurs mois maintenant dans une phase de relative détente. Avec mes collègues, les nouveaux ambassadeurs de l’UE, nous sommes inspirés par une démarche de dialogue en vue de contribuer à rétablir la confiance. Et je constate au début de cette année, qu’on semble rencontrer une démarche en sens parallèle de la part des autorités burundaises. On constate des petits pas positifs sous forme de ce qu’on veut appeler des mesures de confiance.

Vous voulez dire que nous allons vers une normalisation des relations ?

Si la bonne volonté demeure, cette démarche pourrait j’espère conduire à terme à une normalisation de nos relations. Ces progrès sont bien sûr conditionnés par un certain nombre de signaux politiques forts, notamment sur le terrain des droits de l’Homme. L’Union européenne a très précisément indiqué par écrit aux autorités burundaises ce qu’elle attend d’elles pour pouvoir changer ces mesures, c’ est connu des deux parties. Nous espérons des progrès dans ce sens.

A quand la prochaine réévaluation de la situation au Burundi par l’Union européenne?

La situation au Burundi est en évaluation constante. C’est notre mission à nous les ambassadeurs sur place d’observer et de rendre compte de la situation telle que nous la percevons, telle qu’elle nous est rapportée.

Mais, pendant ce temps, la coopération continue, la France poursuit sa coopération bilatérale avec le Burundi. La volonté de continuer l’aide pour le peuple burundais est très forte et elle se traduit concrètement tous les jours.

Certes, nous avons dû suspendre certains programmes avec l’Etat burundais, mais notre action culturelle, notre coopération humanitaire, nos actions en faveur de la francophonie, des medias, des droits de l’Homme, notre soutien à des institutions indépendantes telles que l’Ombudsman, la Commission vérité et réconciliation ainsi que la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, continuent normalement.

Quelle appréciation faites-vous de la facilitation de M. Mkapa ?

Le dialogue inclusif conduit sous l’autorité du médiateur, le président Museveni et du facilitateur, l’ancien président tanzanien Mkapa est absolument essentiel.

Un certain nombre de personnes de l’opposition font l’objet de poursuites judiciaires de la part du Burundi et le gouvernement refuse de leur parler. Or, un véritable dialogue, c’est un échange avec des gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Les compromis en politiques sont faits avec ses adversaires. Ce qui est important c’est que ce dialogue politique entre les acteurs burundais soit représentatif de l’ensemble du spectre politique en présence, parce que c’est aux Burundais eux-mêmes qu’il appartient de trouver les solutions à cette crise politique et il faut que toute la richesse des opinions politiques du Burundi soit représentée dans ce dialogue.

« La CVR est essentielle »

Pour l’Ambassadeur de France au Burundi, la Commission vérité et réconciliation créée et prévue par les Accords d’Arusha est une institution absolument essentielle dans un pays tel que le Burundi « qui a été martyrisé par l’histoire. » D’après M. Delahousse, beaucoup de Burundais subissent encore « des séquelles de cette histoire tragique. Ils n’ont pas pu faire leur deuil ». La mission de la CVR est d’après lui absolument essentielle pour permettre « que le passé soit dit. » Il reconnaît toutefois que beaucoup de choses restent à faire pour que cette Commission puisse pleinement remplir sa mission. « Elle mérite un soutien international fort et nous Européens allons y contribuer », conclut-il.

Faites-vous allusion aux putschistes ?

Quand je regarde les personnalités qui sont poursuivies par la justice du Burundi, je vois un certain nombre de personnes dont la principale faute relève du délit d’opinion, du fait de ne pas être d’accord. Je me réjouis que certaines noms aient été retirées l’an dernier de la liste des personnes poursuivies. Des progrès peuvent encore être faits. Et je veux croire à la sagesse des autorités burundaises pour reconnaître cet état de fait et entrer dans un dialogue avec des personnalités que, pour le moment, elles refusent de rencontrer.


Etes-vous optimiste pour la suite?

L’avenir est incertain. Il y a des facteurs qui peuvent conduire le pays vers une amélioration, vers le statut quo, mais aussi vers la dégradation de la situation. Je pense que sur le règlement de la crise politique, une certaine forme d’urgence s’impose, car la communauté internationale est aujourd’hui très mobilisée en faveur du Burundi mais si les résultats tardent, une forme de lassitude peut s’installer. Mon mandat ici est de travailler sur le scénario le plus optimiste.

Et comment faites-vous ?

Mon action consiste à insister sur ces facteurs positifs que nous rencontrons et à essayer de corriger les facteurs négatifs. Dans cette perspective, il y a indubitablement des nombreux éléments positifs de nature à permettre au Burundi d’entrer dans la voie du développement économique, social et démocratique. Naturellement, beaucoup de travail reste à faire. La situation politique doit être améliorée pour que la confiance revienne, notamment celle des partenaires actuels et potentiels du Burundi. J’espère qu’avec l’aide de la communauté internationale, l’aide des amis du Burundi, ldes forces politiques dans ce pays attèleront à ouvrir l’espace démocratique nécessaire pour que, lors des prochaines élections, les Burundais puissent exprimer un choix soient libre. J’entends, en tant que messager entre la France et le Burundi, contribuer à la réalisation du bon scénario, qui est parfaitement possible.

Forum des lecteurs d'Iwacu

13 réactions
  1. dodo

    Gacece tu as totalement raison, ce Roger Crettol n’a même pas le courage d’assumer sa nationalité !!!! Il devrait avoir honte de lui!!!

  2. Eric

    PARDON MY FRENCH

    QUESTION

    Pourqoiu CNDD accepte le dialogue sans meme pas de geurre mais on l’impose a qui negocier?!!!!!

    REPONSE

    1)1986 museveni avec 70% des rwandais dans son armee est entrain dans kampala malgre bonne negociations avec tito okelo a nairobi et museveni a annuler tout parti politic

    2)1994 malgre que havyarimana ai accepter a 50% de partager le pouvoir avce kagame ,FPR,derriere CIA a patience jusqua a creer un context pour entrer par force a kigala,tout parti politic meme ceux qui n’etait pas dans le DIT genocide ont ete anuler

    3)1996,mobutu a accepter de negocier et a tout donner a papa kabila mais kabila evec les rwandais ont pris kinshasa.
    4) au burundi,1993,2005,2010, ils essay tjrs

    CONCLUSION
    il faut accepter que dans la region il ya une mentality « APARTEID » ou certains de nos freres tutsi ont tjrs une mentality de vouloir dominer la majority hutu. et se separer de nous comme si on est pas frere
    C’EST CLAIR DE VOIR CELA MAIS LE PROBLEM VIENT DES HUTUS QUI NE PARLENT FORT EN HAUT COMME LE FONT LES CONGOLAIS.
    LES HUTUS GARDENT LA HAINE ET ILS FINISSENT A FAIRE LE GENOCIDE QUI N’EST MEME PAS NECESSAIRE.

    SOLUTIONS

    -LES HUTUS DEVRAIENT DEMANDER TROP TROP OUVERTEMENT LEUR DROIT DE MAJORITY .AU NIVEAU INTERNATIONAL
    -LES HUTUS DEVRAIENT ALLER BCP A L’ECOLE AUSSI TOP POSSIBLE CAR LE GENOCIDE RWANDAIS A ETE FAIT CAR LES RWANDAIS ETAIENT NON INSTRUIT.
    -LES HUTUS DEVRAIENT ETUDIER AUSSI TOP POSSIBLE LES MOYENS TECHNIQUES ET MODERNES DE GEURRE ET DE DISCIPLINE SANS ACT DE GENOCIDE
    -LES HUTUS DEVRAINET SAVOIR QUE LES TUTSI SONT BURUNDAIS ET ONT LE DROIT DENOTRE PROTECTION
    – CE N’EST PAS NDITIJE QUI VEUT LES NEGOCIATIONS ,C’EST PLUTOT UN GRAND POUVOIR LOCAL OU EUROPEEN DERRIERE L’OPPOSITION SELECTIONEE QUI VEUT NEGOCIATIONS MAIS PAS POUR PARTAGER LE POUVOIR .NO.NO. MAIS PLUTOT POUR RELENTIR ET CREER UNE FAIBLESSE,DIVISION AU SEIN DU CNDD ET PUIS CREER UNE OPPORTUNITY DE GENOCIDE OU ACTES DE CETTE FACON PUIS PRENDRE « TOUT POUVOIR  »
    C’EST CELA L’OBJECTIF. VOULU DEPUIS LONGTEMPS POUR ETABLIR UNE DICTATURE VOULU PAR L’EUROPE ET CETTE STRATEGIE CNDD LE CONNAIT ET C’EST POUR CELA QUE IL REFUSE DE NEGOCIER.
    DONC CES NEGOCIATIONS AUSSI VOULU NE SONT PAS POUR LA PAIX

    QUE DIEU PROTEGE NKURUNZIZA

    • Votre créole est sucré, il ne fallait pemander des excuses pour cela. Il faudrait par contre excuser votre mentalité un peu rétrograde.

    • ***il ne fallait pas demander…

  3. Kagabo

    Merci pour une bonne interview monsieur ambassadeur, même si vous acceptiez pas avoir rementablement échoué ce que vous avez appelé le printemps à la Burundaise? Vous avez oublié aussi que cette printemps a eu lieu en 1993, quand le peuple a catégoriquement refuse la dictature et toutes ses formes. Le reste à savoir que le Burundi est pays des Braves Paysans avec P (en majuscule) ainsi soit-it?

  4. Valéry Muco

    On constate une évolution objective de l’analyse que fait l’ambassadeur sur la situation du Burundi. Finalement les Quai d’orsay qui lui a tiré les oreilles au lendemain de l’interview accordée à Ikiriho a bien fait.

    • leon

      Ahhhhhhhhh

      Apparemment l’article de l’ambassadeur ne te plait pas

  5. Micombero

    En France un terroriste est abattus directement. Mais, cet Ambassadeur propose au Gouvernement du Burundi de dialoguer avec des putchistes et/ou des terroristes. Le monde actuel est malade.

    • roger crettol

      @ Micombero

      Enchanté de voir que vos droits d’accès n’ont pas été révoqués. Je me réjouis à chaque fois de lire vos prises de position originales.
      ———————
      En France, on n’a pas vu récemment cinq pour cent de la population choisir de se réfugier en Allemagne ou en Belgique ou en Grande-Bretagne ou encore en Italie.

      Il y a clairement, en France, une manière de traiter les adversaires politiques du pouvoir qui est d’une coupable négligence. L’ambassadeur du Burundi à Paris ne devrait pas hésiter à communiquer ses recommendations au gouvernement. L’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire pourrait l’accompagner, pour donner plus de poids et d’éclat à cette démarche.

      JerryCan, et abrège mes propos.

      [ Les prochaines élections en France retiennent mon attention. Je ne comprends pas Monsieur Hollande, qui a *refusé* de se présenter devant les électeurs pour un mandat *auquel il avait pleinement droit* . Quel comportement aberrant ! ]

      • abruzi

        Mr crettol, nos affaires ne vous concernent pas! Gardez vos avis pour vos problèmes de terrorisme, d’immigrés, d’extrême droite…..et laisses-nous les nôtre. Chaque fois que les occidentaux s’en sont mêlés les choses ont empirés! De grâce pars dans vos forum : il y a a dire là bas.votre amour de l’Afrique, on la connaître trop bien. Il suffit de voir Kadhafi, Lumumba, Rwagasore, le Rwanda, la rdc, Soudan du sud, le franc CFA,… Pour comprendre en quoi consiste votre amour pour nous!

        • Gacece

          @abruzi
          Vous n’avez pas encore reconnu roger crettol? C’est un burundais qui essaie tant bien que mal à se faire passer pour un « pas burundais ». Il faut savoir lire entre les lignes. Vous y verrez des patterns « à laburundaise »!

          Moi j’ai ma petite idée sur de qui il s’agit, son éloquence « de la vieille école » m’en es témoin!

        • MBIKIJE PIERRE

          @ABARUZI,

          Le Burundi actuel est comparable au Rwanda de Habyarimana du début des années quatre-vingt-dix qui a conduit à la situation que je ne vais pas évoquer encore ici mais dont nous gardons tous des souvenirs frais et plutôt cauchemardesques. Sinon, concernant le Rwanda actuel, alors que ce magnifique pays avance, chaque jour que Dieu a fait, le Burundi ne fait que descendre aux enfers chaque jour que Dieu a fait et surtout depuis avril 2015. J’ai souvent honte des propos des dirigeants burundais qui disent vouloir se maintenir au pouvoir jusqu’au retour de Jésus-Christ alors qu’ils ont un bilan plutôt déshonorant et scandaleux. Aucun résultat à montrer à la population burundaise qui, paraît-il, les aime tellement qu’elle les veut au pouvoir éternellement… ! Tout cela évidemment n’est que mensonges car ce que la pollution veut c’est le développement, se faire soigner, scolariser ses enfants, manger etc… ! Le pouvoir burundais du CNDD-FDD, qui prétend être aimé par la population, est loin, très loin du compte ! Le ridicule ne tue pas… !

          • Bakari

            @MBIKIJE PIERRE
            « Tout cela évidemment n’est que mensonges car ce que la pollution veut c’est le développement, … »

            Même la pollution tient à se développer! Où va-t-on?

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