Jeudi 28 mars 2024

Économie

Kamaramagambo, la ville aurifère

Depuis une dizaine d’années, l’exploitation artisanale de l’or s’opère en commune Butihinda. Les belles maisons ont poussé comme des champignons, de belles voitures circulent. D’aucuns se demandent s’il s’agit d’un indicateur de développement. Les avis sont partagés.

Dans la ville de Kamaramagambo, de belles maisons malgré ses routes poussiéreuses ©Iwacu

Lorsqu’on se rend pour la première fois en Zone Kamaramagambo de la commune Butihinda (à 17 kilomètres du poste frontalier Burundo-Tanzanien de Kobero, l’on est loin de s’imaginer que malgré l’état de la route poussiéreuse qui y mène, tout un quartier, où sont construites de belles maisons, a vu le jour en l’espace de quelques années.

Sur place, la vie semble aller à plus de 200 kilomètres à l’heure. Tout le monde est businessman. Des jeunes de moins de 20 ans tiennent des boutiques ou sont conducteurs de taxi-moto (la plupart sont d’ailleurs immatriculés en Tanzanie). D’autres encore sont des mineurs car l’or est présent sur presque toute la zone Kamaramagambo.

« Ils dépensent outrageusement leur argent… »

Du coup, on observe un réel engouement parmi les jeunes car l’activité rapporte. « On peut descendre et avoir d’un coup de l’or d’une valeur de 200 millions de Fbu. Après le partage des dividendes entre les membres fondateurs de l’association, nous sommes payés et on peut gagner facilement un voire deux millions », assure un orpailleur. C’est pourquoi, selon lui, les jeunes viennent de tous les coins du pays et même de Bujumbura pour faire ce travail.

Grâce à tout cet argent, les habitants de Kamaramagambo, du moins les membres fondateurs de ces associations, se sont enrichis. Ils roulent presque tous en jeep, se sont construits de belles maisons, ont investi dans des hôtels. « Les week-end, ils vont souvent à Kobero ou à Muyinga pour dépenser outrageusement leur argent en alcool, femmes… », confie un sexagénaire rencontré sur place.

Toutefois, ces derniers temps, les affaires ne marchent plus aussi bien à cause des deux mois passés sans travailler suite à la mesure présidentielle de suspendre momentanément l’extraction de l’or. « Nos ventes en ont pris un coup, car les orpailleurs ne venaient plus aussi nombreux », observe l’un des serveurs du bar « Border Bar » Il espère que la situation va s’améliorer avec la levée de cette suspension.
Même constat au « East Life », une boîte de nuit située au chef-lieu de la province Muyinga. D’habitude, confie l’un des gardiens, les gens de Butihinda venaient souvent danser ici mais depuis deux mois, ils ne viennent plus. »

Vue partielle du chantier de la construction de l’hôpital d’Apollinaire Niyibizi ©Iwacu

« Aucune taxe n’est payée par ces orpailleurs à la commune… »

« Malgré la présence de cet or, la plupart des habitants vivent toujours dans la misère sans oublier les abandons scolaires qui ont grimpé en flèche ces derniers temps dans cette commune », déplore encore ce sexagénaire. Et de renchérir : « Même les paysans délaissent leurs cultures à cause de cet or. »
Côté administration, même son de cloche, aucune taxe n’est payée par ces orpailleurs à la commune sauf celle du constat de vacance de terrain quand ils veulent commencer leurs activités. Ce qui est trop peu par rapport à ce qu’ils gagnent après. Cette situation pourrait prendre fin, tranquillise une source proche de la commune, car explique-t-il, désormais les orpailleurs se constitueront en coopératives au lieu de rester en associations sans but lucratif : « En ce moment la commune pourra avoir des taxes conséquentes »

Bientôt un hôpital moderne

Malgré le côté bling bling de certains orpailleurs de Kamaramagambo, d’autres se donnent corps et âme pour développer leur commune.
Il s’appelle Apollinaire Niyibizi, orpailleur de son état dans la commune de Kamaramagambo. Il est en train de construire, à ses frais, un hôpital moderne dans sa zone natale d’une valeur de plus de 1,5 milliards de Fbu sur une superficie de 72 ares.
Selon ce jeune homme d’une trentaine d’années, l’idée lui est venue d’un simple constat : « Chaque fois que les gens d’ici tombent malades, ils doivent se rendre au chef-lieu de Muyinga, ou à Kiremba à Ngozi pour se faire soigner. Ce qui est fatigant. »

Apollinaire Niyibizi : « J’espère qu’on pourra mettre fin aux transferts des malades vers le Kenya, l’Inde ou l’occident » ©Iwacu

Cet hôpital, souligne-t-il, pourra accueillir 150 malades. Apollinaire Niyibizi fait savoir qu’il est en contact avec des médecins indiens et chinois pour qu’ils viennent y prester : « J’espère qu’on pourra mettre fin aux transferts des malades vers le Kenya, l’Inde ou l’occident qui s’observent dans notre pays par manque de moyens et de capacités. »

D’ores et déjà, le jeune orpailleur indique qu’il a acheté le matériel qui sera utilisé dans cet hôpital à plus de 450 millions de Fbu. En attendant, l’inspection provinciale de la santé est déjà passée sur place et lui a intimé l’ordre de construire d’autres bâtiments, chose qu’il est en train de faire. Et d’ajouter qu’il espère que cet hôpital sera fonctionnel dès le mois d’octobre prochain.
Toutefois, un problème d’énergie se pose pour le bon fonctionnement de ce projet. En attendant que la Regideso installe l’électricité dans cette zone, Apollinaire Niyibizi a installé des plaques solaires et un groupe électrogène d’une capacité de 250 KWA.

A côté d’Apollinaire, d’autres membres de l’association Kazoza Keza ont déjà débloqué 60 millions pour la construction d’une salle de réunions de la commune Butihinda, 15 millions pour l’adduction d’eau potable. « Nous avons décaissé 40 millions pour la construction du stade de Muyinga et 17 millions pour le collège communal de Murehe », raconte avec fierté Epipode Harerimana.

Forum des lecteurs d'Iwacu

17 réactions
  1. Stan Siyomana

    Le dernier rapport annuel de la Commission Economique pour l’Afrique: « Economic report on Africa 2013: Making the most of Africa’s commodities. Industrializing for growth, jobs and economic transformation », http://www.uneca.org, consacre quelques pages (214-219) a l’industrie de l’or en general et a l’exemple du Ghana (Afrique de l’Ouest) ou cette industrie contribue au developpement durable des communautes locales.
    Merci.

  2. mafaranga

    Mugabo ikibazo kinini nfise n’ukumenya umutegetsi yemeje ko abo bacukura or bagira association sans but lucratif mugihe ushoye umutemere w’ibijumbu mw’isoko utegerezwa gutanga itaxi muri commune,ntivyunvikana ko abacukura inzahabu z’amamilioni ata taxi batanga.Umukuru w’igihugu novuga ko yari yaratevye gufata irya ngingo yo guhagarika ayo ma associations.

  3. Ildephonse

    Je suis tres fier de voir des gens de ma zone natale faire de tels bons projets de developpement de notre commune. Mukomere cane!!!

  4. ndumiwe

    None ukagirango izo nzahabu zadutse murizintwaro ziki gihe kuva na kera izo nzahabu ntizari zihari.
    None ntancabwenge zari zihari ? Ntazo baribarabonye canke bari bazibikiye bande ? Wosanga hariho nahandi hatazwi nkahantu hahambwe abantu. Ariko nkabenaho bohubahiriza ntibahimbe.

  5. ndumiwe

    Leta nibareke biyimbire kubera izo ntara za muyinga zari zara za butihinda zari zaranizwe nta shuli ntaki . Ni mubareke rero bitorere akoyoko ariko mwibuke nabo bagowe bahavukiye. Murabe ingene mwoshobora guha akazi urwaruka rwaho.

  6. ndumiwe

    tukaba twaravutse dukenye kandi ba data na basokuru batambukira hejuru y’inzahabu , bakongera bakarima munzahabu; none incabwenge zaryoherwa n’ukubona abantu bakenye kandi igihugugu gifise imali. Bon kuva iyi taliki ndagiye kurondera iyo association ndabe ko nanje nova mubukene.

  7. Karundi

    Hanyuma Nkurunziza akatubwira « patriotisme » kuri independance…. Finalement L’OBR fait quoi? Et l’assemblee nationale/Senat???? Abatwara nta terambere mushaka mwaje kwironderera amatungo nk’ibindi vyose! Dis-moi, iyo myaka yose, ministere des mines, le President ntibari babizi?

  8. Vyaraheze Marcien

    L’ anarchie totale dans l’exploitation des ressources minieres du Burundi. Ni co gituma abamenyesha makuru Leta itaberekwa kuko bayisesera agatabi. Murabona iryo bara? Nta bantu benshi bari babizi. Hanyuma OBR ikiruka inyuma y’ umunyagihugu ashoye igiseke c’ ibijumbu canke avanye agafuko k’ umuceri muri Tanzaniya ngo zana amataxes.

  9. Stan Siyomana

    L’on a eu tort de croire que les exploitations minieres artisanales du Burundi sont encore dans le secteur de l’informel. Elles ont pu acceder au statut d’associations sans but lucratif d’une facon frauduleuse.
    L’Ordre public, l’administration locale, l’OBR et autres organes de l’Etat auraient du combattre cette fraude.
    Merci.

  10. je suis vraiment navré par les nouveaux »riches » paysans. Ils dorment, font un rêve, et hop, on construit un hôpital. mais avec un million de dollars, on reve de construire un hôpital moderne ( même Panda, ne rempli les normes ISO d’un hôpital Moderne. C’est sûr qu’il a consulté un médecin généraliste natif du coin et quelques sympathisants,( abavumbayi).
    Est ce que c’est hopital va fonctionner avec quels fonds? l’argent des orpailleurs, et le reste de la population, quel est leur pouvoir d’achat?
    Il aurait pu avec cet argent, construire un hôpital rural propre et avec des équipement d’imagerie standard et un labo « moderne ».
    le prix d’un scanner multibarette (32 barrettes le bas de game actuellement) est de 1.000.000.000 de francs.
    BON vent à ce projet.
    et pourtant, il ya pas mal de burundais, qui travaillent dans des institutions internationales comme consultants ou experts dans la santé, il aurait eu de meilleurs conseils pour monter son projet, si il les avait contactés.

    • NZOHABONIMANA

      Mswahili urazi vyinshi ariko kuvuga neza birakugora.Utazi ukuntu projet zikorwa uranuma.cke urara udasinziriye wiyumvira aho wokura un million ntuce wiha raison imbere y’abarundi bafise uburyo ko batagira ivyiyumviro canke des conseillers. « Apollinaire Niyibizi fait savoir qu’il est en contact avec des médecins indiens et chinois pour qu’ils viennent y prester » Iyi passage ni signe yuko uwo wita riche paysan agusumvya gutahura ivyakora. « Itunga si amashure ni umutwe ».

  11. Mutabazi

    Ndatangajwe n’uwo miuntu yanditse ngo « Success story »… Mbega u Burundi busigaye ari Somalie aho leta ataco igikora pour la gestion des richesses nationales?! L’or de kamaramagambo n’appartient pas aux seuls habitants (et d’ailleurs quelques privilégiés) de la localité! C’EST UNE RICHESSE NATIONALE, qui doit être exploitée au bénéfice de tous les burundais… En fait le désordre irimwo ça profite kuri aba basuma bapfukamye igihugu mu nda… Ni source de revenus non contrôlée par l’OBR ou aucune autre institution…Cette situation décrite en haut reflète la réalité burundais kweli! Telle que! UN PAYS DESORGANISE A LA SOLDE D’UNE MAFIA POLITICIENNE!

    • jac sentore

      A Mutabazi!

      Ahosha, « richesse nationale? « . Hanyuma uti ‘mafia politicienne! J’espère ko utahura ivyo wandika, sinon biragoye gutahura.
      Je préfere umurundi yimba/akimbisha inzahabu agaheza akubaka iwabo; inzu, ibitaro canke ibindi hako mbona umuntu, kuko ari muri politique yiba ibigenewe bose kugira agure ibihenda amaso.

  12. jac sentore

    Enfin un « succes story » au Burundi!
    N’oublions que la chasse à l’or est à l’origine des USA! Surtout quand certains ont un sens de patriotisme. Bravo à ces personages noble de KAMARAMAGAMBO! Un bon exemple; construire votre commune!!!!!!!! Bravo et bravo!!!!!!!!!

  13. Stan Siyomana

    « Malgre la presence de cet or, la plupart des habitants vivent toujours dans la misere… »
    Qui est responsable de/qui va payer pour cette « malediction des ressources naturelles »?
    Merci.

  14. Kagame

    Je Kagame ndumiwe mu Burundi abantu baririza amahera ararahari habuze indongozi nyakuri zifasha abo bantu ingene bakoresha ayo mahera.

    • Bakari

      Muri Congo hari amahera nkayo kugwiza na 1000000 de fois! Mugabo ntikibuza ko hariyo abasegereza kugira barare batamiye! Kira noneho si Kongo zo nyene, na Nigeria (pétrole), Niger (uranium), Gabon (yo ntivuzwe), etc., aho hose abakene baruzuye! Umugani wa Stan umenga ayo matungo ava mu butaka atera imikoshi!

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