Vendredi 29 mars 2024

Société

Haro sur les « kidnappeurs » des cerveaux burundais

22/09/2017 11

Plus jamais de bourses d’études publiques en Belgique, en France et aux Etats-Unis. Les autorités accusent ces trois pays de garder leurs ressortissants.

Dieudonné Butoyi : « Seul le travail de terrain au Burundi ne suffit pas.»

Le porte-parole du gouvernement, Philippe Nzobonariba, parle du kidnapping. L’Etat octroie des bourses aux étudiants qui, au terme de leurs études, sont dotés de connaissances recherchées. «Cependant, certains pays, après avoir détecté leur génie, font de leur mieux pour les garder à leur service.» Il l’a déclaré lors de la retraite des membres du gouvernement, du 28 au 30 août dernier, en province Gitega.

D’après lui, des mesures vont être prises pour les pays déjà connus. «Il n’y a pas d’intérêt d’y envoyer des étudiants.» Il invite ceux qui voudraient donner un coup de main de venir enseigner sur place : «S’ils le veulent, qu’ils les emmènent d’ici ou que ce soient ces étudiants eux-mêmes qui s’y rendent.»

Pour des boursiers déjà au service, ils devront signer au préalable un contrat d’engagement au retour. Ce sera une dette vis-à-vis de l’Etat s’ils ne rentrent pas.

A celui qui seraient tenté de ne pas rentrer, le porte-parole du gouvernement n’y va pas par quatre chemins : «Il demandera la mise en disponibilité et partira sans qu’il ne continue à percevoir ni le salaire ni les frais de ses études de la part de l’Etat.»

Pour le Collège des assistants à l’université du Burundi, cette déclaration du porte-parole du gouvernement les a pris de court. Dieudonné Butoyi, son président, fait savoir qu’un bon nombre d’universitaires burundais parachèvent traditionnellement leurs études soit en Belgique, soit en France. «Le nombre est minime pour les Etats-Unis.»

«L’on a toujours un devoir de gratitude envers son pays»

Il s’étonne que les autorités envisagent une telle mesure au moment où le pays vient de lancer l’école doctorale. Il parle d’un binôme de chercheurs, un Burundais et un étranger, pour la promotion de la thèse. En conformité au mémorandum d’entente, l’étranger doit être soit un belge soit un français.

Il se demande comment un doctorant pourra se choisir un promoteur étranger sans qu’il n’ait pu faire le déplacement. «Où est-ce qu’il le rencontrera ? Comment fera-t-il connaissance de lui ?» Avant d’indiquer que seul le travail de terrain au Burundi ne suffit pas.

M. Butoyi reconnaît la nécessité de prester au pays en reconnaissance pour les frais de scolarité. L’on a toujours un devoir de gratitude envers son pays. «Nous avons étudié aux frais de nos concitoyens. Et il en est de même jusqu’aujourd’hui.»

Par rapport à ceux qui ne reviennent pas, il soutient que les salaires en sont à l’origine. «Ils sont indécents.» Il fait savoir que le gouvernement prévoit une issue pour ces cas : «Ils devront rembourser les frais de scolarité.»
Cet enseignant à la faculté des lettres souhaite plutôt que les autorités accroissent la coopération avec d’autres universités. «Cela permettra d’avoir des chercheurs qui contribueront efficacement au développement du pays.»

Ndayishimiye Ladislas, un jeune fraîchement sorti de l’Institut africain des sciences mathématiques de Mbour au Sénégal, se demande de son côté si le Burundi est en mesure d’employer tous ceux qui rentrent. «Cela fait plus de deux mois que je suis revenu. Et je suis toujours sans emploi.» Si l’on parvient à en décrocher un ailleurs, pourquoi ne pas y aller ?

Il exhorte les autorités à hausser le niveau d’employabilité du pays en vue d’encourager ceux qui sont aux études à l’extérieur de revenir au pays.

Forum des lecteurs d'Iwacu

11 réactions
  1. Congo

    Un sage africain écrivait : le monde actuel apprécie la compétence, l homme instruit est un lion l ignorant n a pas de place. Si au Burundi un kokayi peut être général de l armée cela vient dire que le sage s est trompé. Mais je pense que le Burundi est l exception qui confirme la règle. Mr Nzobonariba arrêtez de dire ce que vous ne pensez pas. Vous vous féliciter de voir les intellectuels à l extérieur. Exemple: que sont devenus les milliers d intellectuels hutu du frodebu? Si eux n ont pas de place pourquoi voulez vous d autres ? Pour augmenter le nombre de chômeurs ? De fait pour jubiler de leurs souffrances. Le fil est trop gros.

  2. John pombe

    Mbega basha uyo mutama Nzobonariba azoja muri pension ryari ?? On n´est franchement fâtigué de ses déclarations

  3. Prophète

    Nous allons tous fuir nabanze abuze imbonerakure kwiruka inyuma yacu
    Europe oyeeeeeee

  4. PCE

    Les propos du porte parole du gouvernement m’étonnent beaucoup et relèvent d’une incroyable myopie intellectuelle. En voici la raison.
    1 Je veux bien qu’on arrête d’envoyer les étudiants en France , en Belgique et ailleurs en Europe , mais quelle est la solution de rechange ? Les envoyer au Sénégal , au Maroc , en Inde ? Ils seront capables d’y travailler si les conditions d’embauche sont meilleures. Et puis le fait de rembourser les frais de formation aux ceux qui restent dans les pays de formation me fait rire ! Comment vont ils faire dans la pratique? C’est probablement les inquiéter une fois qu’ils rentrent au pays natal ? Ils ne viendront jamais dans ce cas , c’est aussi simple.
    2 Et justement en parlant des conditions d’embauche au Burundi j’ignore ce qu’un médecin burundais touche à la sortie de la faculté mais aux Pays Bas par exemple il commence à 2750 euros tandis qu’un spécialiste peut toucher le double , tout dépend aussi de l’institution dans laquelle il travaille. De toutes facons au bout de 10 ans de carrière un médecin touche au delà de 5000 euros soit environ 2500 euros de moins qu’un parlementaire néerlandais.
    3 Je pense qu’il ne faut commettre cette erreur de ne pas envoyer les burundais aux études à l’étranger , car même en y restant ils peuvent servir au pays indirectement . Le Burundi devrait les encourager par exemple à venir en mission de soins ou de formation ou encore d’échanges d’expériences avec ceux qui se trouvent au pays. Comme disait Voltaire la vertu se trouve dans le mélange , et non dans les extrêmes .

  5. ANDRE NDUWIMANA

    Eh bien, je pense que cette question devrait être abordée avec toute la lucidité en se posant des questions essentielles, parmi lesquelles celles-ci:
    – Pourquoi ces intello ne reviennent pas?
    – Sont-ils retenus dans ces pays pour leurs prestations? Ou ils y restent volontairement?
    – Que craignent-ils au retour? Sont-ils rassurés de trouver de l’emploi et un salaire décent au pays?
    – Est-ce que les fonctionnaires burundais sont fiers d’eux? Ne sont-ils pas tentés de s’expatrier pour trouver mieux.
    Il y a mille réponses qui permettraient d’aborder la question de façon rationnelle au lieu de verser dans l’émotionnel et le sensationnel.

  6. Maalim

    Je suis médecin anesthésiste Burundais d’origine congolaise. J’avais effectivement poursuivi ma spécialité dans de meilleurs CHUs et universités de France ( Lille et Amiens), malgré des sollicitations pour me retenir, je m’étais entêté pour retourner au pays et contribuer à l’enseignement (je venais avec un projet de recherche financé dont la première phase du projet était le sujet de mes travaux de fin d’études de spécialité) A l’époque le CHUK était le seul centre en Afrique parmi les 7 centres choisis dans le monde .
    J’avais postulé pour un poste d’assistant à l’université en 2010 ( il y avait 2 postes vacants depuis plus de 5 ans). A ma grande surprise, sans vergogne le vice recteur m’avait sèchement rétorqué que le poste était pour un médecin Hutu (sympathisant DD) parti en formation en France, qui devrait être rentré depuis plus de 5 ans – et il n’est toujours pas rentré à cette date-.
    J’avais poirotais pendant 18 mois dans la précarité avant de partir en expatriation. Et là où je suis, mes services sont appréciés et payés à leur juste valeur.
    Alors que Monsieur arrête de nous rabâcher les oreilles avec cette histoire de pillage des cerveaux.

  7. Taga

    Ma simple question: qui beneficierait de ces bourses publiques pour le moment??? Les plus « militants » ou « meritants »….je n’en sais rien! Le pays des « genies »: depuis 2005 a 2017, on en a compte combien au total? Bon, bon on a encore la turquie, la Chine, la Russie, le Venezuela etc…est-ce les laureats reviendront aussi?? Revenir au pays pour faire quoi justement? Pas d’emploi non! Ou meme quand il y en a, les criteres de selection sont flous….jamais de transparence….
    Par ailleurs, est-ce que l’on n’a pas publiquement entendu dire un jour que le recrutement est temporairement suspendu?? ….Que les anals sont aux arrets? Tout cela c’est pour decourager les etudiants de rentrer bien sur. Et puis, comment expliquer ceci: cette Ecofo dans la commune de Kayanza, ou 289 enfants sont dans une seule classe, avec un seul enseignant, alors que des salles de classes vides ont ete construites non loin de la! Manque d’enseignants alors que des milliers d’enseignants qualifies sont partout dans ce pays???

  8. Yves

    Le pillage de cerveaux n’est pas un phénomène nouveau et touche bien plus largement tous les pays en voie développement. Le fait de faire signer un contrat d’engagement n’est pas la pire des méthodes, mieux vaut ceci que le paiement d’un impôt (comme par exemple la taxe Bhagwati) ou par un refus pur et simple du droit d’émigrer. A ce sujet, lire l’article suivant :
    https://remi.revues.org/4886
    Reste que la question posée par Ndayishimiye Ladislas reste pertinente : il faudrait parallèlement travailler sur une augmentation des débouchés professionnels afin de réellement motiver l’étudiant à vouloir revenir et s’investir dans sa patrie. Ce qui nous conduit à la nécessité d’entamer d’urgence une politique visant à rassurer les investisseurs étrangers afin qu’ils reviennent s’établir au Burundi.

    • David Niyukuri

      Il y a beaucoup des enjeux dans la fuite de cerveaux et ce n’est pas notre pays seul, l’Afrique et les pays en voie de developpement en général paient le grand prix. Mais à mon avis, la restructuration des politiques de recherche en sciences et technologie, l’appuie aux scientifiques ainsi qu’un environnement favorable, peuvent être des catalyseurs pour éviter ce phénomène ou bien tirer profit des cerveaux qui sont ailleurs par le bias de leurs investissements directs. Pour le chômage, je crois que la promotion de l’économie du savoir ici chez nous pourra aider les jeunes à s’en sortir.
      PS: L’écoulement des cerveaux: inciter les scientifiques d’Afrique à rester (http://www.nature.com/nature/journal/v535/n7611/full/535231c.html?foxtrotcallback=true)

  9. Karikurubu

    La mesure du gouvernement serait salutaire si ce dernier était capable d’embauché tous ceux qui ont eu des bourses du gouvernement pour leurs études à l’Etranger..
    A mon avis , c est au gouvernement d’encourager et de former beaucoup d’étudiants a l’étranger dans le but d’avoir plus de connaissances qu’ on ne peut pas trouver dans son pays et ensuite chercher comment ces derniers doivent rembourser car de toutes les façon, ils ont le devoir de reconnaissance car ils étudient sur les frais des contribuables burundais.

    • Jambo

      Je croyais que les bourses d’études étaient octroyées par les pays mis en cause. Demain ne vous étonnez pas si les bourses sont offertes via la société civile qui a moins de contraintes que le gouvernement. Rien n’est impossible.

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