Samedi 20 avril 2024

Politique

Contribution aux élections de 2020 : Quand le reçu devient un laissez-passer

06/12/2018 Commentaires fermés sur Contribution aux élections de 2020 : Quand le reçu devient un laissez-passer
Contribution aux élections de 2020 : Quand le reçu devient un laissez-passer
Vue partielle du marché de Nyarusange au chef-lieu de la commune Giheta.

Plusieurs habitants de la commune Giheta en province Gitega rencontrés, se disent malmenés. L’administration a pris des mesures pour que chaque citoyen s’acquitte du ’’devoir civique’’ de financer les élections de 2020. Sans récépissé, impossible d’accéder à certains services publics.

Parmi les mesures les plus décriées, mais discrètement, il y a l’exigence de présenter le reçu attestant le versement de sa contribution aux prochaines élections, avant d’entrer au dispensaire ou toute autre structure pour les soins de santé.

«Même pour aller au marché afin d’acheter du sel, il faut montrer ce bout de papier aux jeunes gens postés à l’entrée», marmonne un habitant interrogé avant de s’éloigner.
«L’administration à la base s’en lave les mains et parle d’une décision prises par les autorités communales», lance-t-il tout en refusant d’aborder ce sujet. «Je ne veux pas m’attirer des problèmes».

Tout commence le 12 novembre de cette année. Après la publication, commune par commune, des montants déjà collectés dans la province de Gitega. La commune de Giheta s’est classée avant dernière avec une somme de 8.387.000 francs alors que l’administration avait promis de collecter plus de 55 millions de francs, soit un taux de 15,09% par rapport à ces prévisions.

«Remontée, l’administration communale a vite organisé des réunions avec les chefs collinaires et certains jeunes du parti au pouvoir et comme mot d’ordre de changer de stratégie pour plus de collectes», a révélé un administratif à la base sous anonymat. «On nous a accusé d’avoir négligé ce travail».

Selon des sources dignes de foi contactées à Giheta, il a été décidé que l’accès au marché de Nyarusange se trouvant au chef-lieu de la commune sera conditionné par la présentation du reçu. Ce n’est pas tout comme mesures : pour les jours du marché à savoir le mercredi, vendredi et dimanche, les quatre entrées sont gardées par les administratifs et certains jeunes.

P.M., vendeur d’habits originaire du quartier Magarama au centre-ville de Gitega, affirme avoir été malmené par les responsables de ce marché. Bien qu’il ait exhibé son récépissé attestant qu’il a versé sa contribution à Gitega, il lui a été demandé de verser une autre contribution afin de pouvoir vendre sa friperie. « J’ai expliqué, pièces à l’appui, que j’ai déjà contribué à Gitega mais ils n’ont rien voulu entendre. Je me demande si je dois contribuer dans tous les marchés des communes limitrophes où je fournis les habits».

N.K., une jeune femme de la colline Gisuru, affirme que depuis cette décision, le marché est à moitié vide, les gens ne se bousculent plus. «Avant, les habitants des communes Ndava et Nyabihanga de la province Mwaro amenaient leurs marchandises surtout des vivres pour les vendre au marché de Nyarusange. Aujourd’hui, ils ne viennent plus».

Au centre de santé, il faut aussi montrer patte blanche

Jean-Berchmans Nduwimana, natif de la colline Korane, assure que son fils n’a pas bénéficié des soins au Centre de santé de Gisuru parce qu’il avait oublié le reçu à la maison. «J’ai été obligé de retourner à mon domicile pour récupérer ce sésame. Personne ne peut être accueilli sans montrer son reçu. Si par malheur, on ne l’a pas, il faut payer la somme demandée avant d’être soigné».

Alexis Manirakiza, administrateur de la commune Giheta

Mêmes lamentations de la part des boutiquiers des différentes collines qui doivent aller s’approvisionner en marchandises dans la ville de Gitega. Ils font savoir qu’il y a des jeunes gens qui les empêchent de traverser le marais de Nyambeho séparant les communes Giheta et Gitega sans le petit bout de papier attestant sa contribution pour les élections de 2020.

De plus, sans ce reçu, il est quasiment impensable de demander des documents administratifs comme l’extrait d’acte de naissance, l’attestation de résidence ou la carte nationale d’identité.
Françoise Rumundike, chef de colline Ruhanza, indique qu’elle est au courant de ces lamentations. Elle parle d’une décision de l’administrateur. «Il nous a signifié, dans une réunion avec tous les chefs de colline, que nous devons travailler d’arrache-pied pour collecter plus d’argent afin que notre commune ne porte plus le bonnet d’âne».

Elle ajoute qu’elle a organisé des réunions pour sensibiliser les commerçants du marché de Nyarusange. «On a constaté que ceux qui s’acquittent de ce devoir civique sont moins nombreux. Par après, nous nous sommes dirigés vers les détenteurs de kiosques et les habitations afin de leur présenter des quittances afin qu’ils donnent leur contribution».

Pour des gens qui ne sont pas natifs de Giheta mais qui viennent au marché avec leurs marchandises, Mme Rumundike est claire : «S’il a contribué par exemple à Gitega, il doit également contribuer ici car s’il lui arrive des problèmes, c’est nous qui allons l’aider en premier lieu». Iwacu a essayé de contacter l’administrateur communal en vain. Le gouverneur de la province Gitega, Venant Manirambona, indique qu’il n’est pas au courant de ces mesures prises par l’administration de la commune Giheta. Toutefois, il a promis d’entrer en contact avec les concernés avant de s’exprimer.

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