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Culture

Gishora : le sanctuaire des tambours sacrés se meurt

30/10/2018 Commentaires fermés sur Gishora : le sanctuaire des tambours sacrés se meurt
Gishora : le sanctuaire des tambours sacrés se meurt
Le sanctuaire des tambours sacrés à Gishora

Des touristes au compte-gouttes, l’aménagement qui laisse à désirer, les gardiens du sanctuaire oubliés… Le site historique du sanctuaire des tambours sacrés va mal. Le gouvernement pointé du doigt.

A 7 km du centre urbain de la province Gitega, sur la route Gitega-Ngozi, une pancarte attire l’attention : « Bienvenue au site historique du sanctuaire des tambours sacrés de Gishora». De la grande route, il faut bifurquer à droite et  remonter  un chemin  qui serpente à travers des champs de haricot.

Après quelques  800 mètres, le chemin débouche sur le célèbre site des tambours sacrés de Gishora, planté au sommet d’une colline.

A l’entrée du site, une vieille  pancarte indique que le site a été inauguré le 22 décembre 1989 par le ministère de la Culture.

Il est 11 heures, ce lundi 22 octobre, l’endroit est très calme. Il faudra passer une dizaine de minutes avant d’être reçu par quelques gardiens de ce site touristique. Trois jeunes hommes frisant la trentaine, qui habitent dans les parages arrivent en courant. Ils font partie du groupe tambourinaires de Gishora, gardiens traditionnels du sanctuaire.

« Si vous désirez visiter le site, il faut payer 3.000 BIF. » Pour un étranger, c’est 4.000 BIF », proposent-ils. Ils expliquent avoir fixé cette somme depuis que le gouvernement n’apporte plus aucun appui à l’aménagement du site, il y a plusieurs années.

Ils tirent le peu de courage qui leur reste dans l’héritage moral du célèbre tambourinaire Antime Baranshakaje, jadis chef de ce site. « Avant de mourir, il nous répétait sans cesse de ne jamais abandonner cette richesse de l’histoire burundaise.  »

 

Une dent contre le gouvernement

Derrière ces guides enthousiastes à raconter l’histoire de ce bercail du tambour burundais, des tambourinaires découragés. Ils pointent du doigt le ministère de la Culture qui devrait les encourager et les aider matériellement à préserver le site. « Le gouvernement ne fait rien. Rien du tout », lâche l’un de ces héritiers du sanctuaire.

Ces derniers essaient tant bien que mal de prendre soin de ce palais royal reconstitué grâce aux recettes de quelques touristes de passage. Mais depuis la crise de 2015, les visiteurs se raréfient. «Tout un mois peut s’écouler sans aucun touriste. » Or, le site nécessite un aménagement régulier pour garder sa valeur.

L’un des gardiens du site affirme que les touristes viennent au compte-gouttes.

Ces tambourinaires n’ont pas de moyens. La plupart sont des cultivateurs. D’après eux, l’aménagement des cases en pailles qui constituent ce palais royal est coûteux. Une gerbe de paille coûte 1.500 BIF. Une case nécessite 300 gerbes, près de de 400 mille BIF. « Où pouvons-nous trouver cet argent ? »

Pire, confient ces jeunes gardiens, plusieurs visiteurs refusent de payer. Munis d’un « papier  du ministère de la Culture », ils disent avoir droit à un service gratuit. Ces gardiens évoquent un cas très récent d’une cinquantaine de jeunes qui sont passés par là.

Ils déplorent de surcroît que le gouvernement ne songe même pas à payer le gardien des rondes nocturnes. C’est un particulier qui touche 40 mille BIF par mois, d’après ces tambourinaires. Ces derniers se débrouillent pour son salaire.

« N’eût été notre initiative, le site n’existerait guère. » Pourtant, le palais héberge des objets de valeur, des souvenirs datant de plus de 100 ans qui méritent d’être protégés, d’après eux. Leur qualité est introuvable aujourd’hui, assure le gardien en brandissant une baratte vieille de 115 ans (datant du roi Mwezi Gisabo).

« Les moyens font défaut »

Pour le Directeur général du département de la Culture, Léonard Sinzinkayo, ces gardiens ont tort. « Ils veulent être payés alors que ce sont des gardiens traditionnels du site depuis sa création. Ils gardent l’argent qu’ils recouvrent auprès des touristes. »

M. Sinzinkayo affirme par ailleurs que le ministère a réhabilité le site. Il s’occupe des « grands travaux », indique-t-il, sans autres détails.

Le Directeur général de l’Office national du tourisme (ONT), Léonard Habonimana, parle de manque de moyens. D’après lui, le site de Gishora n’est pas le seul  concerné, mais la plupart de sites touristiques du pays.

Il évoque la mise en place d’un projet de réhabilitation des sites à travers le Fonds national d’investissement communal (Fonic). Ce programme qui s’étend  de juillet 2018 à juin 2019, consiste à aménager des sites touristiques via les communes.

Le  directeur général du tourisme indique que le projet est déjà opérationnel pour l’enclos royal de Muramvya. « Le site de Gishora aura son tour. Il pourrait d’ailleurs être dans les priorités, le tambour étant classé dans le patrimoine mondial de l’UNESCO. »

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