Mardi 23 avril 2024

Politique

Gitega : Giheta diverge sur la CVR

Pour les uns, c’est un outil du pouvoir actuel pour se légitimer. Pour les autres, elle n’a pas raison d’être dans la mesure où tout le monde est coupable.

Vue du chef-lieu de la commune Giheta.
Vue du chef-lieu de la commune Giheta.

La grande majorité des déplacés réclame la punition plus que le pardon. Elle demande que le mandat de la CVR s’étende jusqu’à la période actuelle.

« Le pouvoir actuel pourrait utiliser la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) pour faire taire ses opposants», estime B.K un déplacé du camp de Muryanyoni à Giheta.

Pour ce sexagénaire, il serait difficile de ne pas taxer de partiaux les membres de cette commission dans la situation actuelle. Il craint que dans la situation actuelle, cette commission risque de condamner les uns au profit du pouvoir actuel et amnistier les bourreaux si une fois ils sont dans les sphères des dirigeants.

Même son de cloche pour Philibert. Il précise que cette commission a été taillée sur mesure. « Ceux qui l’ont mise en place ont voulu s’auto-amnistier. Pourquoi le limiter dans le temps alors que le sang continue de couler ? Ils veulent condamner leurs prédécesseurs pour se légitimer.»

« La CVR n’est pas nécessaire ! »

Sur les collines non loin du camp, la compréhension est tout autre. Léocadie (un nom d’emprunt pour son anonymat) indique que la CVR ne pourra pas lui restituer tous ses enfants et parents disparus tragiquement. Quant à Richard, cette commission n’a pas raison d’être dans la mesure où « certains hommes au pouvoir veulent mettre sur le dos d’une ethnie tous les crimes commis au Burundi. »

Selon Gérard, c’est un modèle importé d’ailleurs. Si cette commission se concentre uniquement sur les violences politiques du passé sans prendre en compte le contexte sociopolitique d’aujourd’hui, elle est très certainement vouée à l’échec.

CVR

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Honest

    Pour moi, la CVR doit aller au début et venir jusqu’aujourd’hui. Vous savez bien que ce qui se passe aujourd’hui au Burundi est simplement une résultante de ce qui s’est passé en 1972 et 1993 et vous savez bien ce qui s’est passé. Vous êtes en train de récolter ce que vous avez semé. Si vous dites que la CVR est partisane ou inutile, donc il faut la dissoudre. J’ai l’impression que vous les burundais, vous n’avez confiance ni au gouvernement, ni à l’opposition, ni à l’Eglise et vous vous sous-estimez trop. Vous ne voyez rien de bon chez vous. Certains prennent le Rwanda ou la France ou encore la Communauté Internationale comme modèle et sauveurs. Ce sont des illusions. Vous devez faire confiance à vous-mêmes. Si vous doutez de tout de votre propre pays, qui va vous faire confiance? Votre manière va vous conduire au pire. Aujourd’hui vous vivez déjà l’enfer. Si vous ne changer pas vos attitudes envers vous-mêmes, votre pays sera pire que l’enfer. Que Dieu vous en garde.

    • Mojda

      « Excellente suggestion ». Ne fallait-il pas peut-etre directement chanter la belle musique de Buja? Quand tu tues en silence (tout en esperant que la peur des autres ne vaut rien… et que personne ne voit rien…), tu peux oser esperer que la reconciliation est possible durant les temps de tueries etniques, par ailleurs inutiles. Le pouvoir fait endormir des fois!!!

  2. roger crettol

    Hutus, Tutsis et la Non-Réconciliation

    Dans ma tête d’européen borné, les relations difficiles entre Hutus et Tutsis résultent de l’absence de travail de Vérité et Réconciliation. Ces relations difficiles ont empêché le développement de la société et du pays. Chacun est resté prisonnier de ses souffrances, de ses pertes et d’un sourd besoin de justice ou de vengeance. Ou prisonnier de sa culpabilité, de sa honte, de sa peur d’être exposé au jugement de la société.

    Le déni des souffrances de « l’autre » fait partie des mécanismes à l’oeuvre encore aujourd’hui. Vécu en direct il y a à peine un mois, après la fin officielle d’une assemblée qui réunissait Suisses et Burundais. J’avais lu le mémoire de René Lemarchand sur les évènements – les tueries – de 1972. Une dame burundaise, que je connais depuis une dizaine d’années, a par deux ou trois fois ignoré mes remarques que lors du soulèvement des Hutus, des Tutsis avaient également été massacrés. Et à chaque fois raconté ses propres tribulations. Sourde à une vérité dérangeante pour elle – des Hutus avaient également eu du sang sur les mains.

    La crise et l’état du pays sont une preuve criante de la nécessité du travail de Vérité et de Réconciliation, et de la difficulté d’y prendre part tant pour les « bourreaux » que pour les « victimes ». Ne pas faire ce travail, c’est condamner ses propres enfants à porter une trop lourde charge.

    Le besoin de « justice » va peut-être trouver un apaisement partiel dans l’aveu et les indications sur les lieux où des personnes ont été tuées ou enterrées. Savoir cela peut permettre un travail de deuil.

    L’ombre de l’Europe plane sur vos problèmes. Elle a payé chez elle un tribut assez lourd pour avoir succombé à des idéologies nées vers la fin du 19ème siècle. Racisme et nationalisme nous ont valu deux guerres mondiales et des dizaines de millions de morts. Il a fallu des visionnaires et des hommes politiques ouverts et courageux pour tenter une réconciliation entre la France et l’Allemagne, entre les peuples allemands et français. Des problèmes sont restés sans solution – celui des réfugiés allemands venus des états de l’est européen et expulsés en représailles à la fin des hostilités. Leur présence, un temps marquante sur la scène politique, s’est atténuée avec le temps … et l’apparition d’une nouvelle génération.

    Courage et longueur de temps font plus que force ni que rage. (pardon, Monsieur de la Fontaine)

    • Leopold Hakizimana

      Merci Roger! Ta tête d’Européen n’est pas borné dans le cas de CVR. Nous savons que ça va être difficile, mais c’est un travail qui doit être fait si nous devons guérir de notre traumatisme de violence. Les tutsi proches des anciens régimes hima commencent l’histoire sanglante du pays en 1993 après l’assassinat du premier président hutu élu démocratiquement par l’ancienne armée mono-ethnique tutsie. Pourquoi ce refus de jeter un regard sur avant 1993 jusqu’à l’indépendance? Parce qu’ils ne veulent pas affronter la génération des victimes pendant la période où ces bourreaux étaient au pouvoir. Ils se battent pour continuer de cacher la vérité sur cette période. Quand vous dites:«Le besoin de justice va peut-être trouver un apaisement partiel dans l’aveu et les indications sur les lieux où des personnes ont été tuées ou enterrées. Savoir cela peut permettre un travail de deuil.» Vous avez parfaitement raison, mais la résistances des bourreaux d’hier est forte pour le moment.

      • Buta

        Pas grave Leopold, les hutus de Buja se vengent massivement et aveuglement aujourd’hui. Ils sont entraim de « resoudre » la question de 1972 a mon avis! La grande question de cette CVR est la suivante: qui va oser « temoigner » (par force???) quand on voit que la machine DD elimine toute personne qu’il ne desire pas voir vivante? Que fera-t-on si « des temoins » fabriques comme ceux des fosses communes seront presentes plutot que ceux qui ont ete les vrais ????? Cette reconciliation n’est pas possible sous un regime qui tue….

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