Jeudi 25 avril 2024

Environnement

Gestion des déchets, la BCCO décriée

Retard dans la collecte des déchets, pas de matériel ni personnel, des manquements de Bujumbura Cleaning Company (BCCO). C’est à cette société que la mairie de Bujumbura a récemment accordé le monopole de la collecte des déchets ménagers.

A Buyenzi, à la 8ème avenue, où les citadins jettent désormais les déchets ménagers.

«Nous venons de passer trois mois sans que les collecteurs ne viennent ramasser les déchets», se lamente Isaac, un citadin du quartier Mirango I, zone Kamenge de la commune Ntahangwa. Il affirme pourtant avoir payé 2000Fbu comme caution.

Derrière sa maison, trois sacs de déchets ménagers. Des mouches, des asticots grouillent et une odeur suffocante s’en dégage. « Nous craignons des maladies comme le choléra. » Un autre habitant du quartier Mirango II abonde dans le même sens : « Ils nous avaient promis de passer au moins une fois par mois, mais c’est déjà deux mois que personne de la BCCO n’est venu ici.» D’après lui, cette société n’a ni camions ni personnel suffisants. « Si par hasard, un camion passe, il dessert seulement les ménages sis tout près de la route goudronnée ». Or, il assure qu’au début, ils leur disaient de mettre les sacs sur les routes, les avenues. « Aujourd’hui, personne ne vient les récupérer.»

Une situation similaire dans la quasi-totalité des quartiers de la mairie. A Kinama, une mère confie qu’après avoir payé 2000Fbu, elle n’a jamais vu un camion de BCCO venir récupérer les déchets. Ce qu’elle qualifie de vol organisé. Elle rappelle qu’auparavant plusieurs sociétés s’occupaient de ce travail. « Comment une seule société pourra-t-elle collecter tous les déchets de la mairie ? »

Côté Gasenyi, Gihosha, Buyenzi, Kanyosha… ce sont les mêmes lamentations. « Honnêtement, pendant trois mois, j’ai vu une seule fois un camion de BCCO venir récupérer les déchets », confie Egide, un habitant de Gasenyi. Dépassé, il se débrouille aujourd’hui pour les dégager. « Cela montre que cette société n’a ni la capacité matérielle, ni la main d’œuvre pour le faire. Seules la libéralisation et la redynamisation des Setemu peuvent résoudre ce problème.»
Youssouf de Buyenzi propose tout simplement la réorganisation totale de la collecte des déchets. Il dénonce d’ailleurs que ce domaine serait entaché de corruption.

«Quand il y a un nouveau maire, il amène une autre société dans une opacité totale, alors qu’on devrait permettre à plusieurs sociétés de faire la concurrence.» Pour lui, le gouvernement devrait multiplier les dépotoirs.

Les rivières et les caniveaux transformés en dépotoir

Certains citadins ont déjà trouvé un plan B. « Pendant la nuit, je paie 1000Fbu ou 500Fbu pour que de jeunes garçons aillent déverser ces déchets dans la rivière Nyabagere », affirme J.B, un citadin du quartier Heha, à Kamenge. Pour lui, il n’y a pas d’autre choix. Joseph de Nyakabiga ajoute que cela est devenu presqu’une habitude dans son quartier. « Il est très difficile de tenir face à la puanteur qu’ils dégagent. Certains garçons qui travaillaient pour les anciennes sociétés passent la nuit et récupèrent ces déchets ». D’après lui, ils les déversent dans la Ntahangwa ou dans le caniveau séparant la zone Nyakabiga de celle de Bwiza.

Ces anciens collecteurs confirment. Rencontré à Buyenzi, à la 8ème avenue, un d’entre eux dit que c’est leur seul moyen de survie. « Avant la venue de BCCO, nous travaillions la journée en utilisant des charriots. Actuellement, on travaille la nuit. Nous transportons ces sacs de déchets sur la tête vers la Ntahangwa.»

Ce jeune homme précise qu’avant il gagnait facilement 5000Fbu par jour. «Aujourd’hui, c’est à peine si je parviens à avoir 1000Fbu parce que nous le faisons pendant la nuit.»

Certains déchets sont jetés en pleine rue ou dans tout lieu inoccupé. A la 8ème avenue de Buyenzi, une montagne d’immondices se constitue au vu de l’administration à la base. En cas de pluie, elles se déversent dans la Ntahangwa et finissent dans le Lac Tanganyika. D’autres bouchent les caniveaux.

Vers la réorganisation du secteur

Ramadhan Nkurikiye : « Ceux qui disent que la BCCO ne travaille pas ont d’autres visées.»

« Ceux qui disent que la BCCO ne travaille pas ont d’autres visées», réagit Ramadhan Nkurikiye, conseiller principal du maire. Il reconnaît qu’il peut y avoir des problèmes techniques, comme des camions qui tombent en panne.

Il annonce que sur conseil des uns et des autres, la mairie pense à la réorganisation de ce domaine. « Il y a un projet d’associer des coopératives dans la collecte des déchets. Elles travailleront avec la BCCO.» Cette autorité ne précise pas leur nombre ou s’il s’agira de remettre au travail les 18 sociétés suspendues.

Ce responsable évoque également un projet de redynamiser les Services techniques municipaux (Setemu) qui souffrent de problèmes financiers et matériels.

Interrogé sur le projet, annoncé en 2013, d’installer un dépotoir moderne à Rugazi, M. Nkurikiye soutient qu’il n’a pas été abandonné. « Ceux qui avaient promis de nous soutenir ne l’ont pas fait à cause de la crise.» Et de rassurer que dès que les moyens sont disponibles, il sera exécuté.

Le ministre de l’Environnement, Célestin Ndayizeye, estime que chaque collecteur de déchets devrait avoir un dépotoir. Tout en reconnaissant que les Setemu ne sont plus performantes, il propose le triage des déchets. Il soutient aussi la libéralisation de ce secteur.

Nous avons cherché le porte-parole de la société BCCO, en vain.

Pour rappel, le 6 juin dernier, le maire de la ville, Freddy Mbonimpa, a suspendu 18 sociétés qui collectaient les déchets ménagers. Depuis le 30 du même mois, la société Bujumbura Cleaning Company (BCCO) détient le monopole.

Forum des lecteurs d'Iwacu

12 réactions
  1. Stan Siyomana

    1. Je suis tout a fait d’accord que la Mairie de Bujumbura doit veiller a ce que les dechets soient collectes par une entreprise publique ou privee.
    2. MAIS JE TROUVE RIDICULE QUAND LE CITOYEN LAMBDA AVANCE CET ARGUMENT QU’IL A PAYE CETTE CAUTION DERISOIRE? DE 2.000 Fbu (l’equivalent de 1,15 dollars).
    3. La ou j’habite, ca me couterait 1,75 dollars pour seulement mettre pied dans un bus et je devrais en prendre deux pour arriver au centre-ville, donc 7 dollars pour aller-retour).

  2. Hakiza

    le défis majeur c’est de voir les intérêts partout!Quelle spéculation la honte ne tue pas , jusqu’à présent personne nous a montré la cause qui a fait qu’on ôte le droit aux autres coopératives de collecte des déchets.

  3. Jambo

    La concurrence entre toutes les sociétés privées est la meilleure alternative au problème des immondices. Les citadins auraient le loisir de choisir le meilleur prestataire de services.
    Le rôle de la mairie n’étant que de leur offrir un cadre et les facilités de travail puisque le conseiller lui même avoue le manque de moyens. La désorganisation est si évidente qu’il faille un coup de main du privé.

    • Banza

      @Jambo
      « La concurrence entre toutes les sociétés privées est la meilleure alternative au problème des immondices. Les citadins auraient le loisir de choisir le meilleur prestataire de services. »

      Je ne suis pas spécialiste de cette question, mais, n’est ce pas un service publique la gestion des déchets?
      Lorsqu’un service publique est géré par des personnes privées, l’efficience n’est pas toujours au rendez-vous. Un peu normal si l’on se rappelle que l’objectif d’une entreprise privée est de maximiser son profit, ce qui n’est pas tout le temps compatible avec l’intérêt publique.
      Un exemple éloquent de gestion des déchets par le secteur privé qui me vient en tête est celui de Naples: https://francais.rt.com/international/13121-naples-ordures-mafia-cancer

  4. Michel

    Honnêtement notre pays a des difficultés énormes! Le gouvernement et la Mairie savent très bien que les SETEMU ont des problèmes financiers énormes et que sa mission est donc vouée à l’échec. Les citadins l’ont bien compris aussi et avaient commencé à s’organiser et à signer des contrats avec des collecteurs de déchets ménagers. Au lieu de renforcer ces initiatives communautaires, la Mairie évince tout le monde pour installer une société privée à la place des SETEMU, mais ne marche pas non plus! SVP Mr. le Maire, appuyez les citadins à s’organiser et à résoudre leurs problèmes de facon communautaire au lieu de leur imposer des sociétés naissantes et qui leur sont inconnues. Dans les communes de l’intérieur, on sensibilise les gens à utiliser leurs ressources pour se développer et ils arrivent à construire des écoles, SDS, adduction d’eau, etc. C’est ca l’approche communautaire. Bujumbura, vous les anéantissez les initiatives commuanutaires en prétendant apporter des solutions. Mr.le Maire, laissez les citadins s’organiser sur base communautaire et vous organiserez les dépotoires; ce n’est pas moins difficile!

  5. Nduwayo Christine

    C’est une honte et tout simplement un vol organisé. Même dans les quartiers de Rohero, le prix est à la tête de l’habitant, certains payent 20000 frs, d’autres 30000 frs et à d’autres on va jusqu’à demander 50000frs par mois sans dire sur quoi on se base pour fixer le prix.et avec un enlevement des immondices irrégulier …ntaho ugira witwara..est-ce vraiment tolérable ?
    Ce monopole est scandaleux, on doit pouvoir choisir celui qui vous donne un bon service avec un bon rapport qualité prix.
    Ce système gouvernemental finira par s’enterrer tout seul, abaswahili barayamaze bati « siku ya mwizi ni albaini.. »

  6. petit juju

    on assiste a la « haitisation » du pays,une violence extrême sur fond de mysticisme .

  7. Mayugi

    Une demande aux journalistes d’Iwacu en général et à l’auteur de cet article en particluier:
    Avez-vous montré les images de ces « montagnes » de déchets à ce conseiller? Ce n’est dit dans votre article. Peut-être qu’il n’aurait eu d’autres choix que de reconnaître le problème. Notre voisin du Nord fait beaucoup mieux dans cette matière et même si le lièvre est ton ennemi, tu dois reconnaître qu’il court vite. Alors, ne devrait-on pas s’inspirer de cet exemple parmi tant d’autres ?

  8. ANDRE NDUWIMANA

    Il est normal que le maire contribue à la propreté de la ville en déterminant les normes, les conditions matérielles requises pour les sociétés de nettoyage. Mais, il est inconcevable que le maire gère mon contrat avec un prestataire de mes services.
    Les coopératives sont créées par les citoyens et pas le maire qui ne peut non plus leur désigner une société avec laquelle elles doivent travailler. Ce monopole a le parfum de corruption ou de vente d’influence, rien de légal.
    Respectons la loi, le peuple, évitons des frustrations inutiles.

  9. Hekenya

    Hahaha !! Ba mwemera akabi murakuze !! Genda urabe les dépotoires de Buyenzi, Kamenge, n´ahandi hanyuma ngo « d´autres visées » !! !! izihe ??

  10. KABADUGARITSE

    Pourrait-on parler « d’autres visées » alors que les déchets sont entassés dans tous les coins des quartiers!

    • Akabanga

      @KABADUGARITSE, bawita umwigovyoro. Ca c’est une incapacité notoire. Il devrait avoir rendu le tablier mais non il est là, à nous raconter des inepties.

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