Jeudi 28 mars 2024

Culture

La danse et la musique burundaises : ces ambassadrices de toute une nation

Elles ont réuni et réunissent toujours les foules. Les diverses danses et différents types de chansons burundaises à leur état traditionnel impressionnent et suscitent des passions. C’est au nom de ce patrimoine culturel, – si peu exploité économiquement – qu’elles franchissent les barrières internationales.

Antime Baranshakaje au milieu des tambourinaires qu’il a formés ©Iwacu
Antime Baranshakaje au milieu des tambourinaires qu’il a formés ©Iwacu

Gishora, dans la province de Gitega, au sanctuaire des tambours. « Le tambour, c’est ma vie. Ma vie, c’est le tambour », explique Antime Baranshakaje, 79 ans, président du club des tambourinaires de Gishora. Il n’a pas encore ses 10 ans, quand il commence à battre le tambour.
Derrière lui, une jeunesse aussi enthousiaste, fière de sa culture. C’est son club. Tambours posés sur leurs têtes, ils avancent gaillardement, à la main, ils tiennent des baguettes appelés communément Umurisho qu’ils lancent en l’air puis récupèrent pour battre encore plus fort leurs tambours.

Alors qu’au départ, seule une équipe de quatre journalistes de Si Ma Mémoire Est Bonne assiste à ce spectacle, en moins d’une dizaine de minutes, le sanctuaire est plein de monde. « Parce que tout simplement, quand le tambour résonne, c’est signe de paix et de joie », explique M. Baranshakaje, du clan des Batimbo, le seul destiné à battre le tambour dans le Burundi traditionnel.
Il n’hésite pas à imiter le roulement du tambour pour expliquer différents rythmes, ’’imihindo’’ : « Du, du, du, du, …Cha, cha, cha, …. Hemwe mwa bahebera mwe! Eeeeh ! Shaza! » C’est sur ce rythme umuhindo, ajoute-t-il, que des femmes pouvaient danser. Quant au rythme dit ’’Birenzi vya Ntare’’, « duru dudududu, duru dudududu… », Antime Baranshakaje fait savoir qu’il était destiné à annoncer les activités du roi.

Ce caractère sacré du tambour

« Le tambour n’est pas destiné à une personne mais au pays. C’est le symbole du pouvoir royal », révèle M. Baranshakaje. Et Jacques Mapfarakora, conservateur du musée de Gitega d’élucider son origine. D’après une certaine légende, M. Mapfarakora indique que le tout premier tambour date du roi Ntare Rushatsi Cambarantama au 16 ème siècle. Le roi Rushatsi serait venu de l’Est. Arrivée à la forêt de Teza, lui et ses compagnons auraient senti la fatigue et se seraient reposés.

Pour satisfaire leur faim, le conservateur du musée raconte que le roi leur offre une vache : « Ils l’ont abattue et sa peau a été étalée sur un arbre. » Ainsi, poursuit Jacques Mapfarakora, ses compagnons du roi Rushatsi se sont amusés à battre sur cette peau, elle a retenti et la population des alentours est venue voir ce qui s’y passait. Et le roi fut présenté à son peuple publiquement.
Quoiqu’elle fasse la joie des Burundais, M. Mapfarakora et Baranshakaje s’accordent sur le fait que le tambour sera battu par la suite à l’occasion de la fête des semences ou Umuganuro où les Burundais de tous les horizons se réunissaient à la cour royale. Ou encore, insiste Antime Baranshakaje, quand le roi se déplaçait à travers le pays pour prononcer le discours à la Nation.

Les danseurs Intore de Bwambarangwe : la relève est assurée ©Iwacu
Les danseurs Intore de Bwambarangwe : la relève est assurée ©Iwacu

Le tambour dans toutes ses diversités et ses tabous

Si la mémoire de Jacques Mapfarakora est bonne, il distingue trois grandes catégories de tambour : Karyenda ou l’idole du roi : un tambour très petit, qui n’était pas battu et sous la responsabilité d’une femme Mukakaryenda ; Rukinzo, qui selon lui, était grand, fabriqué à base de l’arbre Umurama et couvert de peau de zèbre. L’Ingabire, révèle M. Mapfarakora, inaugurait la chasse du roi. Néanmoins, nous retiendrons qu’à part ces trois, il y avait d’autres tambours appelés fétiches à l’instar de Ruteteme et Murimirwa qui existent toujours au sanctuaire de Higiro à Gishora. Il y a aussi les Mudende, Inajurwe, Kanyabiharage et Nyabuhoro. On retrouve ce dernier tambour à l’ancienne cour royale de Bukeye.

Sans toutefois donner un cachet ethnique au tambour, Antime Baranshakaje fait savoir qu’il était battu par les Batimbo du clan des Banyagisaka, de l’ethnie hutu. Cependant, il est strictement interdit à la femme de toucher au tambour parce qu’expliquent M. Mapfarakora et M. Baranshakaje, les différentes parties du tambour ont été conçues à la morphologique féminine : les seins, le ventre, etc.
Les deux protagonistes regrettent cependant que le tambour soit utilisé pour des fins qui dénaturent son caractère sacré. « Je sais que certaines personnes ne partagent pas mon avis. C’est étonnant de voir dans les mariages, à l’occasion des baptêmes, battre le tambour », s’insurge le conservateur. Même quand le roi se mariait, soutient Antime Baranshakaje, le tambour ne sortait pas : « Il faisait recours aux joueurs. »

Et le tambour franchit les barrières internationales

A l’arrivée des Blancs, souligne le conservateur du musée de Gitega, ils ont interdit le tambour. Ils finiront par comprendre que c’est le seul moyen de réunir le roi et le peuple. Quand le roi Baudouin visita le Burundi en 1955, rassure-t-il, il en raffole de joie. Et c’est parti, les premiers tambourinaires sont invités dans une tournée en Europe. Ils se rendront par après en Asie et pourquoi pas au pays de l’oncle Sam ?

Et ces guerriers du roi

« Quand le cor sonnait, Nyawishongora, le héraut, déclamait son poème vantant les exploits et que le tambour battait, le roi était sûr de ses hommes sur le champ de bataille », Mathias Ntirugirimbabazi, chef des danseurs Intore. D’après Jacques Mapfarakora, ces derniers étaient les combattants du roi : « Ils exprimaient leur joie pour montrer à leur chef qu’ils avaient vaincu l’ennemi. » Tout leur accoutrement, précise-t-il, symbolise les différentes armes de la guerre : « La couronne tient place des herbes portées par les combattants pour se camoufler. Sur le cou, un collier pour se protéger. Sur les pieds, des grelots pour effrayer l’ennemi et sur la poitrine, des flèches pour symboliser la bravoure et le dynamisme. »

Danse gracieuse des jeunes filles, une photo prise dans les années 1930 (crédit photo musée de Gitega) ©Iwacu
Danse gracieuse des jeunes filles, une photo prise dans les années 1930 (crédit photo musée de Gitega) ©Iwacu

Il n’y a qu’Intore dans le patrimoine de la danse burundaise. Christine Ndayizeye, l’un des membres fondateurs du Club Intatana étale cette diversité et les significations possibles : « Par exemple, la danse Urwedengwe pratiquée par les filles dans la région naturelle du Buyenzi était signe de maturité. » D’après Mme Ndayizeye, elle visait pour une fille, à mettre en exergue sa poitrine pour que des garçons la demandent en mariage.

A Bujumbura, c’est vers les années 2000 que l’on assiste à la naissance des clubs pour porter l’identité culturelle à travers la danse burundaise. L’engouement se fait sentir et des jeunes talents se manifestent de plus en plus. On se rappellera ici les spectacles organisés par les clubs Higa, Umudeyo, Gira amahoro, Abagumyabanga, etc et récemment le club Intatana. Ils mobiliseront des foules de gens. L’objectif de leur création, est d’amener la jeune génération à préserver l’identité culturelle, la porter et l’assumer où que l’on soit. Surtout que ces dernières années, beaucoup de Burundais se sont retrouvés à l’étranger suite aux conflits politiques.

Forum des lecteurs d'Iwacu

16 réactions
  1. Tuzokira

    Pour moi, la culture Burundaise est si riche qu’elle peut nous etre une arme pour vaincre les haines et les divisions quelles qu’ils soient. Enfait, je proposerais que les doués en la matière conçoivent une philosophie qui va véhiculés les messages de clarification que les éthnies est une invention du système de « diviser pour régner », comme ce journal, dans ses articles de « si ma mémoire est encore bonne », l’a bien commencé. Les burundais, nous sommes encore très attachés et très fiers de notre culture. Au moment où nous saurons profiter les richessent qui s’y trouvent, ça nous permettra à vaincre l’ennemi qui continue à nous diviser d’une façon ou d’une autre. Mettons en valeur notre langue en laissant naitre une académie: nous sommes un des rare pays où on peut s’exprimer dans sa langue sur tout le territoire, et cela est un atoux auquel nos « diviseurs » ne peuvent pas nous oter mais qu’ils continuent à faire de la sorte que nous n’en tenons pas compte. Ils vont nous dire que pour etre un bon burundais, il faut parler le Français, et récemment kiswahili et l’Anglais. Et pourtant, aucun pays n’a été dévéloppé sans que ses fils et filles aient découvert leur identé propre à eux, et cette identité commencent par la langue la seule arme pour l’unification de ses enfants. J’encourage mes frères et soeurs de continuer à montrer les richesses de notre culture.

  2. Claude

    Eshe ingene utwo twana tuberewe, intore z uburundi. Ehe sha irya mpfura y uburundi n akagoma kiwe! ese iyaba abadutwara biyumvira kwivyo birezi bikeneye gukurira dans un monde beaucoup plus juste, beaucoup et plus equitable !

  3. Villard

    si il y a une chose dont l’on devrait être fièr ce sont les tambours pas comme les autres mais les tambours sacrés et ces jours ci tout est gaté ma foi………quand les filles jouent eh bien c’est Arusha ou c’est l’émancipation……

  4. vvnahimana

    Kuri royaume hari intorebiyereka neza caaaaaaane none vyaroyehe!??? C ‘est trės dommage.

  5. nahimana

    Kuri royaume hari intore biyereka neza caaaaaane none vyaroyehe????

  6. Bon article.Gusa,abo baririmvyi basigaye bitwara nk’abansumirinda bakwiye kwisubirako.Kuko kera nimba bahayagiza intwaro zaba zihari n’uko babitegekwa.Kuko ntakuvuga ivyiza kuri l’Etat mugihe ntavyo.Bihari ho ni mitende uretse ko n’aho atari sawa kuko umuririmyi yategerezwa kwitwararikwa gukundawa na bose.N’ayo ivyo Pacy ashikirije nta raison irimwo kuko bimwe yahora aririmba bibi mbona ntaho vyagiye!

  7. Kirinyota

    Il faut ko la danse traditionnelle reste traditionnelle; là où les filles dansaient poitrine nue; que ça reste comme ça. ce sera la pire conservation de la culture et de la tradition; urabona ga ntu!

  8. RUGAMBA RUTAGANZWA

    Le petit Royaume du Burundi était l’un des plus structurés et des plus organisés d’Afrique ce qui a étonné et surpris les premiers blancs allemands arrivés au Burundi à la fin du 18ème siècle d’où des fantasmes et des spéculations que les populations qui étaient capables d’une telle organisation n’étaient certainement pas des Noirs… …! Comme on le sait, plusieurs hypothèses aussi fantaisistes les unes que les autres ont été avancées quant à l’origine des Tutsis évidemment a la base de l’organisation spectaculaire de ce petit royaume diriges par une succession 4 dynasties à savoir NTARE, MWEZI, MUTAGA, et MWAMBUTSA …!
    Cette magnifique organisation de notre pays a cédé aujourd’hui la place à la corruption et à l’incompétence, aux désordres de toutes sortes et j’en passe… ! C’est la décadence totale… ! Triste, non ?

    • vvnahimana

      C’est vrai.

    • Irakoze Odilon

      c’est vrai mais c’est pas les DD qui ont plongé le pays, celà a debuté en 93

      • vvnahimana

        Igihugu cononywe n’abanyoye amalaso, 65,69,72,88,93 voilå lq veritė

        • Tuzokira

          Igihugu cononywe n’abazanye ivyo vyiyumviro. Ayo matariki ni ingaruka z’ivyiyumviro vyabibwe n’abaducanishijemwo. Tutamenye kurondera imizi y’ivyo vyose, tukaguma turaba ayo matariki agaragara kuko ari ingaruka z’icabibwe mumitima n’imitwe y’abantu, ntituzopfa dukize indwara uwo mugera mubi w’amacakubiri waduteye. @ VVnahimana.

  9. Si c’était le cas positiv nous espérons que la position du gouvernement á travers le ministre de jeunesse et sport et de la culture qu’il aide ces fameux danseurs INGOMA et INTORE qui ces derniers disparessent au fur et a mesure avec le temps.
    Mon grand-père, mon père et nos familles nous enseignainet a danser a cause de peu de motivation nous ne pouvons pas apprtendre nos enfants ou autres sans motivation rien ne va

  10. Video

    Iwacu urakoze caaaaane. Ariko unkundire Iwacu ngusabe ikintu kimwe kandi muze mucandikeko mukebure abarundi bagira umuziki n’imvino: Barire abarundi (na none mufise ijwi rishika kure), iyo bagize ama Albums yabo baze baribuka Gushirako IBIMENYETSO BIRANGA UBURUNDI. Erega twebwe turaba izo ndirimbo turi hanze, turabona ko habuze ce sentiment nationaliste. Reka Ndaguhe akarorero. Umwigeme yitwa Cynthia wo muri « Holy voices », muri album yiwe aririmba indirimbo yiwe « Si l’amour pouvait » yambaye agapira kanditsetso « Portugal »… eka n’izindi bari bakwiye kuza barashirako ivyerekana ko indirimbo ari iz’uburundi cane cane bakiyumvira ko hari abazoziraba batazi Uburundi

  11. Kabizi

    Merci à Iwacu!
    Sous d’autres cieux, ce sont les musiciens qui sont les plus riches!
    À quant le Droit d’Auteur?
    les musiciens peuvent s’organisent et rafler tous les studios qui vendent leurs chansons sans autorisation comme cela se fait chez nos voisins Rwandais!

    • MAYUGI

      Ohooo, au moins un positif point; les burundais ont toujours stupéfait le monde, même en se coupant les têtes!

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