Vendredi 29 mars 2024

Économie

Seuls près de 10% des Burundais ont accès aux crédits …

La Banque de la République du Burundi (BRB) persiste et signe qu’elle n’est pas au stade de financer les institutions financières à caractère social. Cependant, les chiffres sont alarmants : seuls près de 10% des Burundais ont accès aux crédits…

Au guichet de versement dans  une microfinance
Au guichet de versement dans une microfinance

On ne peut pas se développer sans crédit o », s’accordent nos trois invités : Daniella Kigeme, de la micro-finance CECM (Caisse d’Epargne et de Crédits Mutuels), Faustin Ndikumana, président de PARCEM (Parole et Action pour le Réveil et le Changement des Mentalités) et Diana Bizimana, vice-présidente du département chargé du suivi des activités des caisses d’épargne et de crédits à la BRB.

L’absence d’une politique monétaire, la pauvreté, les taux d’intérêt élevés, la concentration de la plupart des microfinances en mairie, le manque d’information, etc. Tels sont les quelques facteurs dégagés dans ce débat axé sur l’accès au crédit.
Depuis la signature du décret-loi régissant les microfinances en 2006, le pays compte 12 banques commerciales et 27 microfinances. D’après Diane Bizimana,c’est plus ou moins 500 institutions financières à travers le pays, sièges, agences et guichets compris.

La BRB distingue trois catégories de microfinances: des coopératives où des membres (au moins 300) épargnent et contractent des crédits à l’interne, des associations qui accueillent tout citoyen qui épargne et qui, en contre partie, accordent un petit crédit et la 3ème catégorie qui accorde seulement les crédits aux citoyens mais sans droit de garder leur épargne.

Quand les moyens faussent compagnie

« Nous voulons bien appuyer l’Etat en octroyant des crédits aux citoyens afin de s’atteler au développement, mais les moyens manquent», lance Daniella Kigeme, de la microfinance CECM.
D’après elle, commerçants, agriculteurs, etc. viennent frapper à la porte de la CCEM. Pourtant, déclare-t-elle, cette institution ne peut pas couvrir toutes les demandes : « Nous sommes obligés de privilégier des clients qui travaillent durs en analysant leurs mouvements de compte. »

Daniella Kigeme ne désarme pas : « La CECM comme toute autre institution commerciale travaille dans le strict respect d’enregistrer des bénéfices. » Or, constate-t-elle, avec l’extrême pauvreté, il y a risque de ne pas se faire rembourser. Sans oublier des clients de mauvaise foi à qui on doit intenter des procès.
Faustin Ndikumana de PARCEM soutient : « Les coopératives et les microfinances n’utilisent pas leur propre argent, c’est celui des épargnants. » De ce fait, M. Ndikumana estime qu’elles cherchent l’équilibre entre les entrées et les sorties pour permettre leur survie.
Selon lui, il devrait normalement avoir des guichets à la BRB ouverts pour refinancer ces institutions financières afin de donner des crédits aux demandeurs.

La BRB décline toute responsabilité

« Nous ne sommes pas au stade de financer des microfinances. Nous sommes plus préoccupés par la législation et la régulation », insiste la vice-présidente du département chargé du suivi des activités des caisses d’épargne et de crédits à la BRB.
Pour Diane Bizimana, si les textes sont bons, le risque de tomber en faillite est minime. Pourtant, Faustin Ndikumana fustige : « C’est pour arrêter le phénomène d’escroquerie et d’arnaque qui s’était développé à un certain moment dans ce secteur que la BRB a mis en place ces lois. » La confiance, révèle-t-il, se réduisait lorsque des gens se retrouvaient un bon matin, dépouillés de toute leur épargne.

Mme Bizimana situe ailleurs le problème de ces institutions financières. Elle dénonce la concentration de celles-ci en commune Rohero à Bujumbura: « Elles doivent élargir leur champ d’action à l’intérieur du pays. » Et de regretter que même les coopératives supposées être proches de la population, offre peu de services qui ne répondent pas parfois aux besoins de celle-ci.
« La CECM est presque partout dans la province de Bubanza. Et petit à petit, elle couvrira le territoire national », riposte Daniella Kigeme. Ce n’est pas la volonté, rassure-t-elle, qui manque. La BRB, poursuit-elle, est au courant de nos défis : les coûts pour construire des infrastructures et l’interconnexion sont élevés.

« Le rôle du gouvernement doit être visible », insiste Faustin Ndikumana. Et de donner l’exemple du Bangladesh avec la Grameen Bank initié par Muhammad Yunus. « Celle-ci a atteint un développement auquel personne ne s’attendait. »
Là où le bat blesse, explique M. Ndikumana, les microfinances au lieu d’être au service des gens de faibles revenus, ne profitent qu’aux riches. La plupart de ces microfinances placent leur argent dans des banques commerciales : « Il est donné comme crédit aux grands entrepreneurs au lieu d’être la réserve des COOPEC. C’est un paradoxe.»

Le changement des mentalités s’impose

« Le Burundi ne pourra jamais sortir de cet état de pauvreté s’il n’apprend pas à ses citoyens comment se prendre en charge progressivement », lance Faustin Ndikumana. Les microfinances, dit-il, sont jeunes, il leur faut un soutien du gouvernement: « Le citoyen doit savoir qu’un crédit n’est pas un don.»
D’après Daniella Kigeme de la CECM, l’Etat doit enclencher une politique générale de sensibilisation au développement à tous les niveaux : « Impossible d’embaucher tous les jeunes diplômés, il leur faut des outils pour élaborer eux-mêmes des projets que les microfinances pourraient financer.»
Et Diane Bizimana de la BRB de concéder aux microfinances de faire le distinguo entre leur travail et celui des banques, notamment en ce qui est des garanties. « Il faut plus de sensibilisation pour que les gens signent des contrats tout en sachant leur contenu parce qu’ils sont rédigés en français. Les textes doivent être réécrits.»

BRB

Forum des lecteurs d'Iwacu

20 réactions
  1. wakera

    Moi je situe le problème de la faible inclusion financière dans la non professionnalisation du peux d’ institutions financières que nous avons déjà. Le népotisme dans le recrutement du personnel, la non collaboration avec les universités et les centres d’analyse, elles ne communiquent pas avec les clients (dites moi une qui a une magazine ne fusse que annuelle), elles s’entêtent dans un système classique ou seuls les crédits génèrent les ressources. La solution d’instauration du fonds de garanti et opportun et même obligatoire mais faudra t-il que ces institutions diversifient leurs porte feuilles.

  2. kamkumbenge

    voila aumoin un article qui traite les varies maux que souffre notre pays….la pauvrete d’une grande partie de la population. on voudrez des articles pareille.

  3. Mpenekazi Concilie-Ambule

    Seul le 3e mandat de Peter resoudra ce probleme. Sinon, ce taux tombera a 0,45%

    • katagaruka

      Où est le rapport entre les microfinances et le 3è mandat de nkurunziza? Soyons objectifs et ne faites un excès de zèle chère mpenekazi!!!!

      • Mpenekazi Concilie-Ambule

        Nta numwe afise uburenganzira nububasha bwo kumbuza kwikundira Peter. Pour ce qui est du lien entre 3e mandat de Peter et taux d’interet, moi, Mpenekazi Concilie, le vois en gras et souligne. Chechez bien et vous allez le trouver vous aussi. La question est de savoir si le taux s’ameliorera ou s’il tombera. Moi je predis qu’il va chuter.

    • mwarananiwe

      aucun bilan positif pour deux mandats…le troisieme ne faira qu’empirer la crises et les maux que souffre le Burundi….accepter que vous etez incapable et donnez la chance a une autre personne.

      • wakera

        « Vous  » c’est qui et « une autre personne « c’est qui?

  4. jimikana

    @kubwayo
    Tu devrais te plaindre au gouvernement dd, ils sont censés répresenter
    la « majorité », mais à mon avis il tue plus qu’il ne les aide tes soi disant »85pour cent »

  5. KABADUGARITSE

    Le clientélisme né dans les années sombres de notre pays est à la base de ce qui se passe actuellement dans ce secteur. Je me souviens encore du temps de la CADEBU (Caisse d’Epargne du Burundi) où pour accéder à un crédit quel que soit le montant il fallait céder 10% du montant total que se partageaient le Directeur Général et l’agent chargé de traiter le dossier.

    Il ne s’agit pas du « entendu » mais du vécu.

    • Mugunza

      @KABADUGARITSE,

      Il faut reconnaître quand même que la CAJEBU a fait des heureux!

    • DG

      KABADUGARITSE,
      Il ne faut pas parler de cette situation comme si c’est du passé, les années sombres, nous les vivons encore maintenant. Pour avoir un crédit, le bénéficiaire doit laisser de fils au personnel de la banque 10%. C’est aussi du vécu. Igihugu carapfuye kibura imva.

  6. Rwenge

    Ngo mwaratsinze amatora, ni ihendwa abana. Mwatsinze amatora nyabaki mu gihe 85% de la population itagira accès aux crédits. Murahanda abandi.

  7. kaminuza

    Voici la conclusion de la première et unique ENQUETE NATIONALE SUR L’INCLUSION nationale sur l’inclusion financière au Burundi (Lire le rapport en intégralité sur : http://www.brb.bi/se/docs/enquete_inclusion_fin.pdf):

    « La première enquête nationale sur l’inclusion financière au Burundi aura permis de mettre en évidence les difficultés d’accès aux institutions financières dans plusieurs provinces et communes du pays ainsi que le faible taux de participation de la population dans le système financier formel.

    S’il est vrai que l’offre de services financiers est relativement diversifiée et que le nombre de points de service est relativement élevé, il n’en demeure pas moins que seulement un adulte sur huit possède un compte dans une institution financière et qu’à peine 3 % ont accès au crédit.

    En matière d’inclusion financière, il est possible de distinguer deux groupes : i) d’une part les salariés du secteur formel – surtout des hommes vivant en zones urbaines – scolarisés et bien rémunérés, qui représentent la clientèle privilégiée autant des banques que des IMF, ii) d’autre part les travailleurs du secteur informel, largement majoritaires au sein de la population active, vivant en zones rurales, peu scolarisés et disposant d’un faible revenu approchant le seuil de pauvreté, qui pour la plupart se trouvent exclus du système financier formel et ont une connaissance très faible des services financiers actuellement offerts.

    Il existe donc plusieurs facteurs pouvant expliquer le faible taux d’inclusion financière qui caractérise aujourd’hui le Burundi. Parmi eux, des facteurs exogènes comme la pauvreté monétaire et le faible niveau d’éducation des populations, notamment en milieu rural, figurent au premier rang. Il y a donc lieu d’espérer un relèvement économique et social des conditions de vie des populations pour accroître l’activité du secteur financier.

    Néanmoins, il existe également des facteurs de blocage endogènes notamment l’éloignement des points de service, les montants élevés de dépôt minimum demandés pour l’ouverture d’un compte et les garanties exigées pour l’octroi du crédit. Il faut ajouter à cela que les produits de crédit proposés par les banques et les IMF ne répondent pas aux besoins des agriculteurs, des commerçants et autres opérateurs du secteur informel.

    Sur la base des résultats de l’enquête, le gouvernement du Burundi, la BRB, les institutions financières et les autres intervenants concernés pourront identifier ensemble les pistes permettant d’augmenter l’accès, l’utilisation et la qualité des services financiers formels pour le plus grand nombre de la population burundaise pauvre mais économiquement active »

    Lire le rapport en intégralité sur : http://www.brb.bi/se/docs/enquete_inclusion_fin.pdf

  8. Vision

    On l’a toujours dit et on ne dira pas assez, « Gushirira » n’est pas une vision de développement pour un pays.

  9. Pour améliorer l’activité des microfinances, l’Etat doit certes améliorer la législation de ce secteur mais elle seule ne suffira pas. Pour protéger les dépôts des épargnants, l’Etat doit instaurer un fonds de garantie de dépôts. Un tel fonds serait alimenté par les microfinances elles-mêmes et géré par la BRB. Les clients sachant que leur épargne est garantie par l’Etat, n’auront plus de soucis que leur épargne disparaisse du jour au lendemain.
    La contribution dans ce fonds étant une charge supplémentaire pour les microfinances, la BRB doit accepter de refinancer au taux d’escompte les microfinances, la différentielle entre les taux bancaires et le taux d’escompte pouvant compenser la contribution au fonds de garantie.
    Ces deux mesures n’exigent que la volonté politique pour être mise en place.

    http://www.ozb-bonn.org

    • Mugunza

      @OZB-bonn

      Votre analyse est vraie et très intéressante Dr.Sango. Pas de version anglaise de votre site?

  10. OZB

    C’est vrai que la confiance dans les microfinances burundaises s’était effritée avec les récentes défaillances observées dans ce secteur. Mais la légilsation seule comme réponse ne suffit pas à endiguer ce fléau. Il faut d’autres mésures complémentaires pour assainir le secteur financier en general et la microfinance en particulier.
    Toute activité d’intermédiation financière que ce soit une microfinance ou une banque, présente fondamentalement 3 risques :
    le risque de remboursement ( encore appelé risque de contrepartie), le risque de refinancement (ou risque du marché) et le risque de gestion.
    Les microfinances sont particulièrement exposées à ces 3 risques:
    1. Le refinancement des microfinances vient souvent des ONG étrangers dont les fonds peuvent s’arrêter à tout moment plongeant la microcrofinance dans une crise imprévue. Les sources de refinancement tarissant, alors que les emprunts ne reviennent que de manière etalée dans le temps, la faillite est pratiquement inévitable.
    2. Les emprunteurs qui espéraient rembourser rapidement pour contracter un nouveau crédit, constatant les difficultés de leur Microfinance, vont traîner à rembourser leurs crédits préférant souvent ouvrir des comptes dans d’autres Microfinances encore saines. Ce qui précipite davantage dans la crise la microfinance déjà en difficulté.
    3. L e risque de gestion survient quand l’administration de la microfinance est plutot marquée par des detournements de fonds, des crédits fictifs, des salaires et frais de missions tres elevés etc.
    Si la legilsation et la bonne gouvernance des microfinances peuvent améliorer ces 2 derniers risques en l’occurence le risque de gestion et le risque de contrepartie, elles auront peu d’effets sur le risque de refinancement. C’est ici que devait agir la BRB comme l’a bien dit Mr. Ndikumana de la PARCEM.
    Pour protéger les dépôts des épargnants, l’Etat devrait plutôt instaurer un fonds de garantie des dépôts que ce soit au niveau des banques ou des microfinances. Un tel fonds serait alimenté par tout institution acceptant l’épargne de ses clients. Si les épargnants savent que leurs dépôts sont garantis par l’Etat, alors les gens n’auront plus peur d’épargner dans les microfinances et dans les banques.
    La deuxième mesure à mon avis serait de créer au niveau de la BRB, un système de reserves obligatoires minimaum dont les montants seraient adaptés aux microfinances permettant de refinancer ces dernières selon l’importance de leurs reserves par la BRB au taux d’escompte. Ce qui réduirait du même coup les taux d’intérêt que ces microfinances appliquent à leurs clients.
    Il est honteux de tolérer dans un même pays que les pauvres payent des taux de 36% ( 3% par mois) alors que les nantis ne payent que 12% .
    Ces 2 mésures n’exigent que la volonté politique et ne coûteraient presque rien pour être mises en place.

    OZB-Bonn.

  11. Björn

    Avec un gouvernement sans visions. Il n »ya pa vas visiblement une politique de developpement . Il faut creer un fond de financement pour les jeunes qui veulent creer quelque chose. Il faut les encourager. Regardez au rwanda ca avance grace a une vision politique claire .

  12. Esprit

    Même ceux qui parviennent à avoir un crédit c’est pour la consommation, les fêtes, les mariages, l’équipement et la construction de maison et non pour un projet de développement la plupart.
    Ailleurs, on demande un crédit pour un projet lucratif et on s’équipe, on construit avec les bénéfices générés, chez nous tout est à l’envers. Avouons-le la plupart nous ne savons pas la valeur de l’argent. Il faut consommer et consommer. Mais également, les Burundais à cause de l’esprit de malhonnêteté, ils ne remboursent pas. La majorité de crédits, se terminent en justice.

  13. Nkomezwa

    C’est connu au Burundi, seuls les Tutsi et les quelques rares hutu reçoivent des crédits. ce n’est un secret pour personne. Comme le gouvernement a son esprit ailleurs , il ne sait pas résoudre des problèmes cruciaux comme la banque( crédits), l’enseignement, l’agriculture…

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