Mercredi 24 avril 2024

Économie

Commune Mukaza : Certains commerçants désemparés

04/04/2022 6
Commune Mukaza : Certains commerçants désemparés
Rénovat Sindayihebura : « La mesure est exécutoire. C’est irréversible.»

C’est lundi 28 mars que la mesure interdisant tout commerce le long de la voie publique dans la commune Mukaza est entrée en vigueur. Cependant, les commerçants disent ne pas avoir des moyens suffisants pour s’installer dans les marchés. Pour l’administration, la mesure est irréversible.

8h 30. Nous sommes à l’avenue de Grèce, un endroit où habituellement des deux côtés se trouvaient des femmes qui vendaient divers produits vivriers. L’on peut voir du côté droit des paniers, des sacs entassés pêle-mêle.

A côté, se trouvent des vendeuses assises, déboussolées, bouches cousues. Elles fuient nos micros. Visiblement, elles sont dépassées par les événements. Elles se lamentent comme quoi les légumes et les fruits vont pourrir.

Sur l’avenue menant vers le garage Toyota, les vendeuses sont en train d’étaler leurs produits dans les boutiques. D’autres sont assises devant leurs paniers remplis de produits vivriers. Elles ne savent pas où aller.
Cap vers le centre-ville
A l’avenue du marché, près de la Banque nationale pour le développement économique (BNDE), les commerçants sont dans des groupuscules, mines renfrognées.

Certains commerçants disent avoir mis leurs marchandises dans les entrepôts. Ils demandent un délai de grâce pour les écouler. « Nous avons mis nos produits à la maison, d’autres dans les shops d’ici. Difficile de les écouler. Les légumes et les fruits risquent de pourrir », craignent-ils.
D’autres ne savent pas sur quel pied danser. Ils disent qu’ils sont en train de chercher des tickets pour se terrer à l’intérieur du pays.

« Nous avons caché nos produits. Nous sommes là, désolés et désœuvrés. Nous respectons bon gré mal gré la mesure. C’est une grande perte pour nous qui avions un petit capital. On pouvait avoir de quoi mettre sous la dent », se désole une vendeuse de fruits.

Elle déplore qu’un délai de quatre jours a été insuffisant pour qu’elle puisse obtenir une autre place. Elle exhorte la mairie à se charger de trouver des places dans les marchés à ces commerçants.

Sur l’avenue Patrice Lumumba, route menant vers la cathédrale Regina Mundi, la mesure a été strictement respectée. Plus d’habits ou de sacs à dos perchés à l’extérieur sur les murs des boutiques ou des habitations.

Du manque à gagner

Commerçants et clients s’accordent pour dire que le manque à gagner reste énorme, suite à la mesure.

« Quand je me présente ici, je peux gagner facilement 5 mille BIF. Je consomme 3 mille et j’épargne 2 mille BIF pour qu’à la fin du mois je puisse avoir les frais de scolarité pour mes enfants », fait savoir une commerçante, mère de cinq enfants. Elle dit être incapable de se payer un stand dans une galerie dont le prix de location varie entre 300 cents mille et 500 cents mille BIF.

« Je pouvais gagner entre 5 mille et 10 mille BIF par jour. Mais aujourd’hui, je suis désœuvré », déplore un vendeur de chaussure devant les boutiques à l’avenue du marché.

Un commerçant de friperies regrette d’avoir payé une avance de trois mois pour sa place devant une boutique à l’avenue du Marché : « Le propriétaire m’a dit qu’il ne peut rembourser mon avance. C’est une grande perte pour moi.» Et de s’interroger : « Où vais-je trouver de l’argent pour m’installer dans un autre marché ? »

Du côté des clients qui s’approvisionnaient à l’avenue du Marché, c’est la désolation : « Pour nous qui avions peu de moyens, c’était facile de nous approvisionner ici. Nous ne pouvons pas aborder le prix des habits se trouvant dans les magasins et galeries.»

Les vendeuses ambulantes désemparées

« Nous avons été au Cotebu, mais les choses n’ont pas bien tourné. Nous avons été au marché de Ngagara, là aussi le commerce n’a pas marché. Nous avons été obligés de retourner ici à Rohero. On nous a malmenées, emprisonnées et nous avons même payé des amendes excessives », se lamentent des vendeuses des fruits et légumes.

Elles disent avoir conservé leurs fruits et légumes pour ne pas s’attirer des ennuis. Mais ces produits risquent de périr, craignent-elles.

Et de lancer un cri d’alarme : « Que nos autorités fassent un examen de conscience. Si elles nous abandonnent, nous allons mourir de faim.» Et d’ajouter : « Qu’on nous laisse travailler et nous faire payer les taxes. Nous sommes tellement fatiguées.»

Les couturiers remontés

Des paniers et sacs remplis de légumes et fruits entassés pêle-mêle à l’avenue de Grèce.

A l’avenue de la Mission, la situation est désolante. L’on aperçoit des pieds des machines à coudre renversés et entassés devant les magasins. Les couturiers sont assis devant les magasins. Ils sont en colère.

N.B. vit avec handicap et travaille à l’avenue de la Mission depuis 30 ans. Elle rejette en bloc la mesure de chasser ceux qui travaillent sur la voie publique. « Nous payons chaque année des taxes à la mairie. Je viens de passer plus de 30 ans ici à l’avenue de la Mission. Je vis avec handicap. Je ne vois pas où aller », confie-t-elle.

Ces couturiers se sentent déstabilisés. Ils disent avoir déjà des ennuis avec leurs clients qui viennent réclamer leurs habits. Certains font savoir qu’ils vont livrer les habits avec retard, ce qui fâche les clients : « Il nous sera difficile de respecter les délais convenus avec les clients dans une telle situation.»

Ils demandent à la mairie de leur accorder un délai d’un mois pour finaliser les commandes.

Interrogé à propos de ceux qui demandent un délai de grâce, Rénovat Sindayihebura, administrateur de la commune Mukaza, persiste et signe : « La mesure est exécutoire. C’est irréversible.» Et de préciser que la mesure a été prise dans le cadre de l’assainissement et l’embellissement de la ville de Bujumbura.
Il demande aux concernés d’aller exercer leur commerce dans divers marchés de la ville où plusieurs places restent vacantes.

Rappelons que lors de sa descente dans les différents points de vente dans la zone Rohero, le 24 mars, le maire de la ville de Bujumbura Jimmy Hatungimana avait donné un délai de quatre jours aux commerçants exerçant leurs activités aux abords de la voie publique pour quitter les lieux.

Il avait appelé les commerçants ayant installé des stands devant les boutiques à mettre leurs marchandises à l’intérieur. Pour ceux qui exercent le long des rues, le maire de la ville leur avait demandé de dresser des listes pour bénéficier des stands dans différents marchés de la mairie de Bujumbura.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Jereve

    Je le dis encore, s’il faut chasser les petits commerçants ambulants au nom de l’ordre et la salubrité en ville, il faut également leur donner des alternatives de solutions à la hauteur de leurs petits moyens. Pour une autorité, il ne suffit pas de chasser ou casser, il faut en même temps caser, au nom de la protection des plus défavorisés. C’est en tout cas de cette façon que l’esprit de leta mvyeyi devrait se manifester.

  2. Tunganya

    Une ville doit être organisée et gérée selon le plan local d’urbanisme avec les mesures de gestion urbaine qui vont avec. Les zones des différentes activités doivent être clairement définies. Ce qu’il faut déplorer, on dirait que les services de l’urbanisme sont absents. Ce sont eux qui devraient mettre à disposition les différents espaces dans la planification urbaine. Ils devraient s’appuyer sur l’administration locale pour qu’on ait des villes modernes.

    • Ntungumburanye

      @Tunganya
      En effet, où sont passés les urbanistes, les architectes et les ingénieurs de ces services ?
      Iwacu, devrait, dans la mesure de ses possibilités, aller interroger le ministre ayant la gestion et la planification urbains dans ses attributions.
      Merci

      • Ntwari Bernard

        En lisant le récit de la mère de 5 enfants je ressens de la compassion mais en même temps je m’interroge sur tous ces enfants que nous mettons au monde dans notre pays alors que nous sommes le pays le plus pauvre du monde.Il semble que nous créeons cette pauvreté en mettant au monde plus de bouches à nourrir.Reka tuvyare bake dushobora kurera. Cinq enfants ce sont 5 futurs pauvres parce qu’aller à l’école est impossible.Nos autorités doivent mettre en place une politique de planning familial car cela évitera à toutes ces personnes de souffrir inutilement.Tous ces enfants démunis pour quoi faire?Reta nikore akazi kayo ko gufasha ama familles kuvyara bake kuko nitabikora tuzoca dusubira mu ntambara itewe n’inzara hamwe no kubura aho tuima kubera ubwinshi bwacu.

  3. Kagabo

    Bonjour la loi et l’ordre et au revoir le désordre et ubujagari de toutes sortes. Mercie à la mairie de Bujumbura. Abarundi turagoye no gukunda ubujagari!!!! Et tjrs l’odeur du désordre!!!!!!

  4. Ernest Ntibareha

     »La mesure est exécutoire ». Cette réponse commence à être systématique de la part de l’exécutif burundais à tous les niveaux. Où sont nos représentants au  »pouvoir législatif?

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