Jeudi 18 avril 2024

Économie

Butihinda, de la vie dorée à la vie rouillée

18/03/2019 Commentaires fermés sur Butihinda, de la vie dorée à la vie rouillée
Butihinda, de la vie dorée à la vie rouillée
Les boutiques fermées du centre Gahararo.

En octobre 2018, le gouvernement a donné le monopole de l’extraction de l’or de Butihinda à une nouvelle société. Pour les orpailleurs locaux qui avaient fait soudainement fortune, c’est la faillite. Butihinda est aujourd’hui une ville fantôme.

Ils roulaient dans des rutilantes Jeeps 4X4, ils avaient construit des villas cossues à Kamaramagambo, la ville « aurifère ». Ils flambaient des liasses de billets lors de leurs sorties, faisaient venir les stars de la musique rwandaises comme Butera Knowles, Kitoko, pour agrémenter des weekends très arrosés. Les orpailleurs affichaient sans retenue cette richesse soudaine tirée du commerce de l’or extrait du ventre de Butihinda.

Puis, en octobre dernier, il y a eu cette décision, inattendue, qui va sonner le glas de leur opulence : « Le Conseil national de la sécurité a suspendu, sans préavis, toutes les activités des coopératives d’extraction minières. »

Désormais, seule African Mining Burundi (AMB) sera autorisée à exploiter l’or de Butihinda. Selon le gouvernement, une décision prise pour « permettre de bien contrôler les recettes tirées de l’exploitation de ces minerais. »

Côme Manirakiza, le ministre des Mines et Energie, a épinglé le fonctionnement de ces groupements de chercheurs d’or. « Les coopératives nous mentaient sur la quantité de l’or extraite et parfois vendaient leurs productions en cachette ».

Selon le ministre, cette société va verser annuellement une somme de 50 mille dollars dans les caisses de la commune Butihinda.

La décision du gouvernement a été une douche froide pour les orpailleurs. Pire, ils vont apprendre que la nouvelle société aura le monopole de l’extraction de l’or dans toute la commune.« Au départ nous pensions que le gouvernement leur avait seulement octroyé le site de Masaka. Nous croyons donc que nous pouvions exercer nos activités en dehors de ce périmètre. Nous avons vite déchanté, car cette société va exploiter toutes les mines de la commune», explique avec désespoir Issa, un orpailleur.

M. Manirakiza a lancé un clin d’œil aux coopératives minières. « Venez demander au ministère le permis d’exploitation pour les surfaces en dehors du périmètre d’extraction d’AMB. Ne soyez pas surpris si quelqu’un d’autre vient avant vous et que nous cédons cette concession. »
Un des responsables des coopératives d’extraction de l’or va avoir l’audace d’écrire au président de la République. En réponse, il a été incarcéré. « Les autorités ont mal interprété ce geste. Ils ont cru que les coopératives voulaient les défier », fait savoir un orpailleur.

Pascal Barandagiye, le ministre de l’Intérieur est venu et leur a martelé que la société African Mining Burundi (AMB) est la seule à pouvoir exploiter l’or de Butihinda. «Si certains d’entre vous désirent travailler avec cette société, ils n’ont qu’à négocier avec elle. Cela n’est pas du ressort du gouvernement ». 34 % du capital d’AMB est ouvert aux personnes externes.

Une ville fantôme

Aujourd’hui, l’opulente Kamaramagambo, l’ancienne « ville de l’or » n’est plus que l’ombre d’elle-même. Dans les rues, juste quelques motos. Les Jeeps derniers cris se sont raréfiées. Rien n’indique que ces cinq dernières années, cette zone de la commune Butihinda fut la plaque tournante du commerce de l’or. C’est une ville fantôme.

Les villas cossues tombent en ruine. «Personne n’aurait imaginé que les orpailleurs de Kamaramagambo tomberont aussi bas », lance Juma un motard de ce centre qui raconte beaucoup d’anecdotes sur la vie de nabab que menaient ces orpailleurs. « Maintenant, ils me font pitié », lâche-t-il.
Pour survivre, certains propriétaires ont tout vendu. D’autres préfèrent brader tour à tour les portails de leurs villas, les plafonds, les matelas, les lampes, ils vendent jusqu‘aux tôles des toitures.

La colline Masaka regorgeant beaucoup d’or

Complètement désespérés, quelques-uns ont fui vers la Tanzanie. A Gahararo, un autre centre près de Butihinda, le chômage fait rage. La plupart des boutiques sont fermées. Les bistrots tournent au ralenti. L’urwarwa, une bière de banane, est passée de 500 à 200 Bif la bouteille.

Faute de clients, les vendeurs de brochettes n’arrivent même pas à écouler la viande d’une petite chèvre pendant trois, voire quatre jours.
Certes la production de l’or avait chuté, mais la décision du gouvernement a complètement mis sur la paille les flambants orpailleurs.

Les propriétaires des coopératives d’extraction d’or ne savent plus à quel saint se vouer. Ils estiment que  le gouvernement aurait pu les avertir pour qu’ils puissent sécuriser, au minimum, leurs capitaux.

Pour sa part, le ministre de l’Intérieur, M. Barandagiye a estimé que cette situation devait absolument arriver. Il a signifié aux orpailleurs que «  l’or n’est pas éternel dans le sous-sol, que les réserves finissent par s’épuiser. ». Pour lui, il fallait envoyer leurs enfants à l’école et ne pas gaspiller  « outrageusement » les recettes issues des mines.

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