Jeudi 25 avril 2024

Politique

Arusha : reprise d’un dialogue en panne

26/11/2017 2

La facilitation a convoqué le 4ème round du dialogue inter-burundais du 27 novembre au 8 décembre. La politique de la chaise vide n’est plus très prisée.

Le facilitateur Mkapa invite les parties prenantes dans la crise d’en découdre.

Le 27 novembre, débute le prochain round des pourparlers d’Arusha pour une sortie de crise. Une session qui s’est fait longuement désirée. La dernière date du mois de février dernier. La facilitation avait promis par la suite plusieurs rendez-vous qui ne sont jamais arrivés. Le dialogue était en panne. Et c’est donc reparti avec l’annonce de deux semaines de pourparlers. Des sources diplomatiques parlent déjà de la « dernière session prévue à Arusha ».
D’après les informations qui nous parviennent, au moins 120 personnes ont été invitées. Partis et acteurs politiques, sociétés civiles et confessions religieuses sont conviés.

Même si l’agenda n’est pas encore tout à fait connu, les politiciens pensent qu’ils vont continuer le travail « là où ils l’ont laissé il y a 9 mois. » On se souvient des quatre thématiques dessinées à savoir les questions politiques, sécuritaire, la problématique électorale ainsi que les questions d’ordre socio-économique et humanitaires.
La grande inconnue de l’équation actuellement est celle de la présence des invités. La médiation mise sur un dialogue inclusif demandé par toute la communauté internationale.

On se souviendra que la 3ème session avait été boycottée par le gouvernement qui avait refusé de s’asseoir avec les personnes “poursuivies par la justice.” Si avec ce round cette question a été résolue, la médiation ayant banni dans ses rangs les persona non grata, la confirmation du gouvernement se fait attendre. Néanmoins, plusieurs analystes évoquent une participation de Bujumbura. Le médiateur dans la crise, Museveni ainsi que le président tanzanien Magufuli ont récemment mouillé le maillot, à la rescousse de leur homologue burundais. Des tractations ont été faites dans les coulisses pour que cette session voie la participation de Bujumbura.

Quid de l’appel au boycott lancé par l’opposition en exil. Va-t-il être suivi ? Le Cnared a récemment sorti un communiqué appelant ses membres à la politique de la chaise vide. Il assure que cette session aurait pour objet de rapatrier le processus des pourparlers au Burundi. Pour la plateforme donc, hors de question de participer à une session qui va remettre le dialogue entre les mains de Bujumbura. Or plusieurs leaders du Cnared ont été invités et comptent y participer. Selon certains d’entre eux, le Cnared n’a pas été invité en tant que “plateforme”. Il ne peut donc prétendre refuser l’invitation qu’il n’a pas reçue.


>>Réactions

Le parti MSD : « Prêt à participer à un véritable dialogue, et non à une farce.»

Pour le secrétaire général, cette dernière session est inéluctablement vouée à l’échec. « Déjà parler de session de dialogue est un excès de langage, car dans les faits il n’y a jamais eu de séances dans lesquelles les protagonistes auraient discuté face à face sur des sujets précis. » François Nyamoya assure que le MSD est prêt à participer à un véritable dialogue, et non à une farce où les protagonistes burundais sont considérés comme des moutons invités dans une arène guet-apens où se joue une partition déjà écrite.

Sylvestre Ntibantunganya : « La chaise vide n’est pas payante.»

« Si on refuse de dialoguer quelle autre option on a pour résoudre le conflit burundais ? » se demande l’ancien président de la République. Il ne resterait que l’option de la lutte armée. « Je ne sais pas si c’est vers cela que ces partis évoluent. » Sylvestre Ntibantunganya estime qu’il faut savoir adopter les stratégies qui consolident une position acquise. Il conseille aux partis invités de se présenter et d’en profiter pour poser leurs problèmes de manière concrète. « Mais adopter la chaise vide n’est pas du tout payant. » L’ancien président demande à la médiation d’identifier correctement les parties qui doivent absolument être impliquées pour avoir des garanties de ne plus revivre la crise que nous traversons.

Le parti Frodebu : «Nous n’avons jamais eu de problème avec le Cnared. »

Le vice-président du parti Sahwanya Frodebu indique que son parti est toujours membre du Cnared même s’il ne suit pas le boycott de ce dernier. Selon Léonce Ngendakumana, les textes fondamentaux du Frodebu privilégient les négociations. Ainsi, à chaque fois qu’il y a un débat sur les questions qui engagent le Burundi, le parti dans sa ligne directrice doit être présent pour contribuer. « Depuis 2015, nous avons toujours participé et n’avons jamais eu de problème avec le Cnared. Nous connaissons la ligne rouge à ne pas franchir. »

Le Parti Cndd-Fdd : « Prêt à participer comme toujours.»

Le secrétaire nationale chargée de l’information et de la communication de ce parti indique que le parti Cndd-Fdd a reçu l’invitation de la facilitation. Nancy Ninette Mutoni assure que ce parti va répondre présent à la 4ème session de dialogue convoquée par la médiation, comme il l’a toujours fait.


 

Cndd-Fdd ou l’art d’aller de l’avant…

Annoncé comme décisif, mais sans le Cnared comme partie prenante, le quatrième round du dialogue inter-burundais à Arusha interroge. Notamment sur la consistance d’une médiation de paix régionale sans que la communauté régionale concernée au premier chef ne s’active en amont pour faire revenir l’un ou les protagonistes à de meilleures dispositions. C’est le prix à payer pour avancer de manière significative vers une sortie réelle et pérenne de crise.

Un dialogue politique fructueux suppose certaines conditions, notamment la bonne foi de toutes les parties et la reconnaissance de l’autre comme acteur incontournable ayant voix au chapitre. Or, nous sommes loin de cet esprit, en l’occurrence, loin s’en faut !

Du côté du gouvernement sous la houlette du parti de l’Aigle, c’est la négation du Cnared comme adversaire politique qui prévaut. On est à mille lieues du fameux « autrui, c’est mon maître » du philosophe Emmanuel Levinas. Le Cndd-Fdd se laisse ainsi submergé par la « libido dominandi » (désir de dominer), le rapport de force entre les « key players » lui ouvrant un boulevard pour la plénitude de sa manifestation.

Pour l’opposition interne et le Cnared, le fil rouge des pourparlers de paix à Arusha est l’application de l’Accord d’Arusha et le respect de la Constitution pour les élections de 2020. Pour obtenir à court terme des garanties sur l’ouverture des espaces de libertés politiques entre aujourd’hui et les prochaines élections de 2020. Et la restauration des libertés publiques fondamentales, à l’instar des droits de réunion, d’association et de manifestation.

Le régime de Nkurunziza n’a pas peur d’une résolution onusienne, l’absence d’un conflit de haute intensité sur ses 27 834 km² de territoire, depuis l’éclatement de la crise d’avril 2015, lui garantit une division structurelle du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Ni de l’UA, encore moins de la CAE. Et pour cause, le facilitateur agissant en son nom a unilatéralement annulé une réunion de consultation avec le Cnared, proposée par son bureau, les 18 et 19 novembre 2017. Et partant, avec un alignement des planètes pour le moins favorable, le parti présidentiel met en œuvre sa politique du « songa mbele » (« aller de l’avant ») sans avoir cure de ce qui se dit autour de lui. Tel un bulldozer, le Cndd-Fdd avance. Prochaine étape : un référendum constitutionnel prévu pour la mi-février 2018 au plus tard.

Nous connaissions le Tout Puissant Mazembe, champion en titre de la Ligue National de Football (Linafoot) du grand voisin de l’ouest. D’aucuns parleront désormais du tout puissant Cndd-Fdd.
Guibert Mbonimpa

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Jesus

    Autant en rire

  2. Ayahu Jean Pierre

    Chère Agnes,
    Le dialogue entre burundais n’a jamais été en panne. Elle a toujours eu lieu et se matérialisait d’une autre manière ( qui diffère des grandes messes auxquelles l’on a assisté dans le temps). Rien que les échanges autour des sujets d’actualités sur votre site le témoigne. C’est une autre forme de dialogue. Et puis il y a eu tous ces débats internes et qui ont abouti à toute une série de recommandations dont l’amendement de certaines disposition de la constitution. Ce dialogue n’a pas concerné une partie de la classe politique dont le CNARED qui parlait/voulait plutôt de négociation et non de dialogue. Là, il y a eu panne effectivement et cette panne là, risque de ne pas trouver réparateur. « Inkevyi ikeba ubwo bingana », aime-t-on dire. Pour mon ami JerryCan, la traduction serait qu’  » on ne peut prétendre plus que l’on vaut », sinon, l’on explose, tel ce crapaud qui voulait égaler une vache.
    Espérons que ceux nous représentent à Arusha auront à cœur l’intérêt du peuple et non les leurs, qui sont parfois d’un égoïsme d’un autre âge et qui puise sa source dans  » après moi le déluge ». Que Canjo Amisi leur inspire à travers « Umugabo w’ukuri »

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