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Alcool : l’engouement des ados

17/08/2011 Commentaires fermés sur Alcool : l’engouement des ados

Ils boivent de l’alcool au vu et au su de tout le monde. La police des mineurs semble incapable de juguler ce phénomène. Pour un psychologue clinicien, plusieurs causes expliquent cette situation.

Dès que commence le weekend, certains cabarets se retrouvent littéralement investis par des groupes d’adolescents. De jeunes garçons, adeptes de la mode, portent des jeans avec des casquettes mises en l’envers, d’autres portent des boucles d’oreilles. Les uns parlent foot, d’autres échangent à voix basse, entre eux ou avec leurs copines. Assis sur des chaises en bois, ils consomment de l’alcool au vu et au su de tout le monde. Devant eux, plusieurs sortes de bières produites localement : Amstel, Bock et Primus.

Ces jeunes ont apparemment entre 13 et 17 ans. Aux alentours, personne ne semble s’inquiéter de leur présence. « La plupart de nos clients sont surtout des jeunes, en cette période des vacances », indique un serveur dans un cabaret. Il affirme n’avoir jamais reçu d’ordre de son patron de ne pas servir des adolescents. Et d’ajouter : « Même si nous refusions de les servir, ils iraient ailleurs. Nous ne pouvons pas prendre le risque de perdre des clients. » Toutefois, ce serveur admet que les adolescents consomment de l’alcool de manière « déraisonnable » le week-end : « C’est là qu’ils viennent nombreux. Souvent, sous l’effet de l’alcool, des bagarres éclatent pour des broutilles. »

Le laxisme de l’administration

Selon Christine Sabiyumva, commandant de la police des mineurs, la loi est claire pour ceux qui servent des boissons aux mineurs : « Les articles 501 et 502 du code pénal interdissent la vente et l’offre aux moins de 18 ans sous peine d’emprisonnement ou d’amende à l’établissement qui aurait délivré la boisson. » L’officier indique que des policiers effectuent des patrouilles dans les bistrots pour vérifier si des mineurs s’y trouvent : « Tout ce que nous pouvons, c’est de les obliger à quitter les lieux. Parfois, nous les plaçons en garde à vue et appelons leurs parents à venir les récupérer. » Christine Sabiyumva déplore que la police des mineurs n’a pas la compétence de punir les propriétaires de cabarets qui servent de l’alcool aux adolescents : « C’est à l’administration locale de s’en charger, mais rien n’est fait jusqu’ici. » Elle estime aussi que les parents devraient aussi jouer le rôle de gendarme car, parfois, des adolescents boivent en leur présence.

Le phénomène a trois causes

Pour Jean Bosco Ndayishimiye, psychologue clinicien, la consommation de l’alcool chez les jeunes est un phénomène réel qui s’explique par trois causes. Premièrement, cela relève de la dynamique de groupe. Cela veut dire que les ados développent certaines habitudes qui deviennent des comportements par imitation. Pour s’intégrer dans un groupe, un adolescent se retrouve obligé d’adopter ces comportements sous peine d’être marginalisé.

La deuxième cause est culturelle. Selon le psychologue, dans la société burundaise, l’alcool est un élément socialisant. Car c’est toujours autour d’une boisson que les gens se retrouvent. Et c’est pourquoi l’on tolère qu’un adolescent prenne une bouteille de bière sans penser qu’il prendra encore une autre, voire deux. Or, c’est là que les choses se compliquent.

Enfin, selon ce spécialiste, il y a aussi le contexte sociopolitique et économique du pays qui a entrainé l’éclatement du noyau de la famille et l’affaiblissement de l’autorité publique. « Il n’y a pas de contact réel éducatif entre jeunes et adultes», explique-t-il. Cela est accentué par l’appauvrissement continuel, l’amenuisement des revenus familiaux et le chômage. Par conséquent, les jeunes sont livrés au désespoir. Tandis que la famille et la société ne leur promettent pas un avenir meilleur. En outre, avec cette consommation de l’alcool, ces jeunes s’autodétruisent inconsciemment, selon M. Ndayishimiye.

De la force productrice à la menace

Sur le plan individuel, une trop forte consommation précoce favorise une dépendance et nuit à la santé : « Les jeunes développent des problèmes de foie, une inhibition du fonctionnement au niveau des organes sexuels. », indique le spécialiste. Sur le plan psychologique, l’alcool a un effet inhibiteur sur leur conscience, c’est ce que l’on appelle psychotrope. D’où les coups, l’agressivité verbale et le passage à l’acte. De même, la capacité de discernement est inhibée, si bien ces ados deviennent comme des automates. La société subit ainsi les conséquences du manque d’encadrement qu’elle n’a pas assuré : la jeunesse qui est une force productive devient une menace.

Comme solution, le psychologue clinicien propose de parler avec les jeunes, les encadrer et leur montrer les dangers de la consommation abusive de l’alcool. Il faut aussi créer des espaces de dialogue afin que les parents discutent avec leurs enfants.

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