Jeudi 25 avril 2024

Politique

21ème anniversaire de l’assassinat du président Melchior Ndadaye : que reste-t-il de son héritage ?

Dans son discours du 1er juin 1993, à la victoire de son parti Sahwanya Frodebu, Melchior Ndadaye rêvait d’un Burundi nouveau où règnent la démocratie, la justice pour tous, où les droits de l’homme sont respectés, d’un Etat où l’exclusion, l’intolérance, etc. sont bannies. Pourtant… 

Laurence Ndadaye s’incline devant la tombe de son mari. ©Iwacu
Laurence Ndadaye s’incline devant la tombe de son mari. ©Iwacu

C’était dans la nuit du 21 octobre 1993 quand le malheur s’est abattu sur le pays. Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu ainsi que ses proches collaborateurs sont assassinés par un groupe de militaires qui veut prendre le pouvoir par la force. Des centaines de milliers de citoyens périront par la suite dans la guerre inter Burundais qui s’en est suivie.

Comme il se doit alors chaque année, les festivités de commémoration du 21ème anniversaire de son assassinat ont commencé par une messe en la mémoire de tous les illustres disparus.
Dans son homélie, l’archevêque de Bujumbura, Mgr Evariste Ngoyagoye, a demandé aux Burundais de rester unis malgré les différences ethniques et les convictions politiques de chacun. Aussi ,a-t-il insisté sur le caractère sacré de la vie humaine : «…Et Dieu leur a donné les vrais commandements en disant que personne ne verse le sang de l’autre car je le lui demanderai un jour. Parce qu’une personne est créée à mon image, c’est pourquoi nous devons la respecter. Si une personne tue une autre qu’il n’a pas créée, il crée le désordre. C’est le chaos total, alors que Dieu ne veut que de l’ordre. » Le prélat de Bujumbura a souligné que les élections de 2015 seront une occasion pour construire un pays paisible, de l’ordre total. « Je vous demande de prêter une oreille attentive à Dieu pour que les pas déjà franchis soient stables et ne retournent pas en arrière à cause de l’égoïsme, des motifs non fondés qui risquent de nous remettre encore une fois dans le chaos.»

A la fin de son homélie, l’archevêque Evariste Ngoyagoye a indirectement évoqué l’assassinat ignoble des trois religieuses italiennes à Kamenge : « Nous restons sans réponse et cela continue à nous travailler dans notre propre quiétude. Je voulais le rappeler, mais sans beaucoup insister, parce que je savais que je parlais à des gens qui entendent. » A la fin de la messe, Mgr Ngoyagoye a indiqué à la presse que la parole de Dieu nous indique le chemin que nous devrons prendre pour avoir la paix. « Le chemin doit suivre la conscience fondée sur la loi de Dieu et les autres lois aussi du pays. Mais spécialement sur la loi de Dieu qui nous empêche notamment de ne jamais prendre d’initiative d’ôter la vie à quelqu’un parce que ce n’est pas nous qui l’avons donnée. »
La messe a vu la participation de tout l’exécutif, des représentants des corps consulaires et diplomatique, de l’épouse de feu président Ndadaye, la mère du défunt président, sa famille, les familles des proches collaborateurs de Melchior Ndadaye, la classe politique, la population, etc.

Le rendez-vous au monument du martyr de la démocratie

Tous les accès à l’ancien palais du 1er novembre sont inondés par la police. Interdit de porter les insignes des partis. A l’entrée, certains militants des deux partis Sahwanya Frodebu ont été empêchés d’entrer à cet effet.
Avant d’entrer, la police fouille d’abord. Léonce Ngendakumana, président du parti Sahwanya Frodebu, lancera que quoi qu’il advienne, il ne peut pas manquer à ce grand évènement.
A son arrivée, il est avec Frédéric Bamvuginyumvira, son vice-président. Ils sont accueillis par les applaudissements du public. Ils rejoignent l’équipe du Dr Jean Minani, président du parti Sahwanya Frodebu Nyakuri Iragi rya Ndadaye, de Pascal Nyabenda, président du parti CNDD-FDD, etc.

Une ambiance de fête malgré les différences

Dans leurs divergences politiques, ils se taquinent presque. Le soleil est accablant, il est aux environs de 11h. MM. Bamvuginyumvira et Ngendakumana se partagent le même parapluie. Ils insistent pour que le président du CNDD-FDD soit aussi protégé contre le soleil mais il refuse pour la seule raison que le parapluie porte les couleurs du parti de Ndadaye, le vert et blanc. Dr Jean Minani n’a pas raté cette occasion pour rappeler à Pascal Nyabenda qu’il n’y a pas longtemps, il était militant du PP, un parti qui a soutenu Melchior Ndadaye aux élections de 1993.
Les anciens présidents Sylvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye, accompagnés de leurs épouses, sont là et échangent calmement. Le sénateur Ntibantunganya est accompagné également de sa fille aînée, Joëlle, qui est venue de la Belgique pour commémorer le 21ème assassinat de sa chère maman, assassinée à son domicile dans la foulée des évènements.

Melchior Ndadaye, érigé en martyr de la démocratie

L’arrivée du couple présidentiel marquera le début des festivités. Le maître des cérémonies brossera la bibliographie du président Melchior Ndadaye, érigé à juste valeur comme héros de la démocratie si l’on s’en tient à son parcours politique.
Suivra le dépôt des gerbes de fleurs à commencer par le couple présidentiel, la délégation des corps diplomatiques et consulaires, Mme Laurence Ndadaye, la maman du défunt président, sa famille, les représentants des partis politiques, etc.
Des festivités riches en couleurs mais où tout le monde s’accorde que la démocratie tant souhaitée par feu Ndadaye est passée par les mailles du filet. Compte tenu de la division des formations politiques, à commencer par celui qu’il a créé et la gouvernance du moment.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Theus Nahaga

    Le Burundi nouveau: voilà un terme que j’ai du mal à comprendre. Le Burundi est un pays multiséculaire qui doit à chaque instant assumer son histoire dans ce qu’elle a de plus sombre, dans ce qu’elle de plus rejouissant ainsi que dans cette large partie qui fait vie quotidienne avec ses habitude et ses lourdeurs.
    Commencer à théoriser sur un Burundi qui serait nouveau, c’est commencer à croire ou du moins à vouloir suggérer qu’on pourrait effacer certaines choses plus ou moins petites selon le jugement du jour, plus ou moins tragiques du Burundi. Cela conduit nécessairement à une impasse parce que cela va vers l’amnésie et son colloraire qu’est la mystification de l’histoire. L’histoire devient alors une chose que l’on subit au lieu de l’assumer et de s’en approprier.
    Changer de régime, changer de gouvernement ne sont pas des actes qui créent un Burundi nouveau. Le Burundi reste et s’habitue.

    • Stan Siyomana

      @Theus Nahaga: « Le Burundi nouveau… »
      La litterature/theorie sur le developpement parle de CHANGEMENT STRUCTUREL (ce qui creerait un Burundi nouveau) qui se fait par la reallocation de l’activite economique des secteurs les moins productifs de l’economie (= Agriculture et elevage) vers des secteurs plus productifs (= industrie manufacturiere, tourisme, services).
      (Voir -African Center for Economic Transformation, 2014 Report, Chapter 5: Leveraging abundant labor for manufacturing;
      -Herrendorf, B. et al., 2014: Two perspectives on preferences and structural transformation. American Economic Review, American Economic Association, vol. 103 (7), pages 2752-89;
      -Duarte, M. and Restuccia D., 2010: The role of the structural transformation in aggregate productivity. The Quarterly Journal of Economics, MIT Press, vol. 125 (1), February 2010, pages 129-173).
      Merci.

      • Theus Nahaga

        @Stan
        mais cela ne fait pas un burundi nouveau, cela reste le Burundi. C’est le Burundi agricole qui donnera le Burundi manufacturier que vous appelez de vos voeux. D’ailleurs il faudra un jour analyser comment l’agriculture furent l’activité qui financa l’activité industrielle dans le pays dits développés.
        Je reprends mon interrogation sur cette manie de nos chefs du jour, qui consiste à nous promettre un Burundi nouveau à chaquefois que le régime change.

        • Stan Siyomana

          @Theus Nahaga: « D’ailleurs il faudra un jour analyser comment l’agriculture fut l’activite qui financa l’activite industrielle dans les pays dits developpes »
          1. La Revolution Industrielle a eu lieu a partir de 1760, il doit y avoir deja plein d’article sur cette periode importante du developpement de l’etre humain.
          (Voir -« Industrial revolution », http://www.wikipedia.org;
          -Bairoch, P., 1992: « Le Tiers-Monde dans l’impasse: le demarrage economique du XVIII e au XX e siecle, Paris, Gallimard).
          2. « Lewis model » ou Dual sector model of development considere a la fois le role de l’agriculture et le role de l’industrialisation dans le development d’un pays.
          Sir William Arthur Lewis (1915-1991) est ne dans l’ile de Saint Lucia, possession britannique dans les Caraibes et a eu le Prix Nobel en science economique en 1979.
          (Voir-Lewis , W. A., 1954: « Economic development with unlimited supplies of labor », Manchester School of Economics and Social studies, Vol. 22, pp. 139-191;
          – Gollin, D., 2014: « The Lewis Model: a 60-year retrospective », Journal of Economic Perspectives, 28 (3), pp.71-88).
          Merci.

  2. Mushikiwabo

    Mais que ce qui a ete dit de la lumiere de cet assassinat?

  3. Stan Siyomana

    LA DEMOCRATIE MENE A LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET AU DEVELOPPEMENT DURABLE ET INCLUSIF (dans un climat de liberte et de respect des Droits de l’homme).
    C’est le message du rapport « The democratic alternative from the South: India, Brazil and South Africa » (www.cde.org.za), 32 pages.
    L’auteuresse est la sud-africaine Ann Bernstein qui dirige le Centre for Development and Enterprise (CDE) en Afrique du Sud.
    Dans une interview, on lui a pose la question: « Y avait-il des parts de votre recherche qui identifient quelques avantages des systemes democratiques par rapport aux regimes authoritaires? »
    La reponse: « …Ce qui est interessant, ce sont les nombreux mechanismes dont disposent les democraties pour permettre aux citoyens et a la societe de combattre le fleau de la corruption qui est present dans toutes les societies.
    En democratie, les citoyens peuvent crier contre la corruption au niveau local,…contre la corruption au niveau national et ils peuvent se plaindre contre les personnes les plus puissantes dans le pays/they can raise issues against the most powerful people in the country.
    …(au Bresil) sous President Lula, le president le plus populaire que le Bresil ait jamais connu, un heros de la classe ouvriere, environ 40 personnes, de son Chef de Cabinet/Chief of Staff jusqu’au leader du groupe parlementaire de son parti ont ete accuses de corruption. Beaucoup de bresiliens disaient a l’epoque: « Oh, ca c’est le Bresil. Ils n’iront jamais en prison. Ils ne vont jamais etre condamnes/They won’t be found guilty.
    Et pourtant le juge a condamne a la prison a peu pres 25 de ces importantes personalites/very prominent people… »
    (Voir Ann Bernstein: « The democratic alternative from the South », http://www.cipe.org, 15 septembre 2014).
    Le Parti des Travailleurs est le parti politique du President Luiz Inacio Lula de Silva qui a dirige le Bresil du 1 er janvier 2003 au 1 er janvier 2011 (=SEULEMENT DEUX MANDATS PRESIDENTIELS AU BRESIL COMME AU BURUNDI!!!).
    Le juge etait l’un des premiers noirs (=categorie sociale tres discriminee) a acceder a ce poste. Esperons que le BEAU PAYS DE MWEZI GISABO ne devra pas attendre la nomination d’un juge issu de l’ethie Twa a la Cour Anti-corruption pour lutter effectivement contre le fleau de la corruption.
    Merci.

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